Homélie Vœux perpétuels de Sr Prisca HOUNGBEME

Samedi 16 janvier 2021.

 Vœux perpétuels de la sœur Ahouéfa Prisca HOUNGBÈMÈ.

Chers frères et sœurs dans le Christ,

Chères sœurs de la Congrégation de Notre Dame de l’Immaculée Conception de Castres,

Nous voici réunis en cette église paroissiale de saint Antoine de Padoue de Zogbo pour rendre grâce au Seigneur en ce jour où la sœur Ahouéfa Prisca HOUNGBEME, fait ses vœux perpétuels. Je salue le curé de la Paroisse, le Père José Manuel NOGUEROLES et son vicaire, le Père Larios IDOHOU. Je les félicite pour le témoignage rendu auprès des fidèles et pour la collaboration missionnaire. Je salue aussi toutes les sœurs de Notre Dame de l’Immaculée Conception de Castres. Je remercie la Supérieure provinciale, la sœur Pierrette Marie BOSSOU pour son dynamisme et sa sollicitude. Que le Seigneur vous aide toutes à poursuivre la mission qu’Il vous a confiée aux côtés des pauvres, des petits, des faibles et des affligés.

Les textes liturgiques proposés à notre méditation ce jour s’harmonisent parfaitement avec l’événement qui nous rassemble. Depuis le début de cette semaine, qui fait suite au temps de Noël, l’auteur de la lettre aux Hébreux nous donne l’occasion de méditer de façon plus approfondie le mystère de l’incarnation et de la rédemption. L’extrait qui nous est proposé ce jour nous parle de l’efficacité de la Parole de Dieu, le Verbe de Dieu fait chair en Jésus-Christ. C’est dans le rôle efficace joué par la Parole de Dieu (incarné en Jésus-Christ) que Jésus est présenté comme le grand prêtre par excellence.

Dans le même sens, le psalmiste, dans le psaume responsorial parle de la perfection de la Loi du Seigneur : « La loi du Seigneur est parfaite, qui redonne vie ; la charte du Seigneur est sûre, qui rend sages les simples ». Dans l’évangile du jour, il est question de la vocation de Lévi (le publicain), présentée comme une réponse à la parole de Jésus, un appel à le suivre.

Ces textes nous invitent d’une part, à relire notre vocation, l’appel que chacun de nous a reçu, comme un mystère à découvrir et à approfondir. D’autre part, ils nous questionnent sur notre relation particulière à la Parole de Dieu, dans la réponse à donner à Dieu.

De fait, l’appel que Jésus adresse à Lévi dans la page d’évangile, nous révèle combien toute vocation constitue une invitation à découvrir l’amour et la miséricorde de Dieu à notre égard, de façon à pouvoir en devenir des témoins dans le monde. Comme tous les collecteurs d’impôts, Lévi était un exclu de la société malgré l’aisance matérielle dont il pouvait se prévaloir. Jésus l’aperçoit et l’appelle pour faire de lui un acteur important de l’immense projet de Rédemption du monde.

Ainsi, à l’appel qu’Il reçoit, Lévi fait l’expérience de l’amour et de la miséricorde du Seigneur à son égard. Il comprend qu’il est connu et aimé de Dieu. Le regard affectueux et compatissant que Jésus pose sur lui, les deux mots qu’Il lui adresse, (« Suis-moi »), soignent l’amertume de son cœur, le réconcilie avec Dieu, avec lui-même et l’insère à nouveau dans le tissu social. Il se lève de son bureau de publicain pour emprunter le chemin de la sainteté à la suite du Christ. C’est en effet, en acceptant de se mettre sur le long chemin de perfection proposé par le Christ qu’il sortira de son monde de publicain et de pécheur. Lévi est donc appelé non pas parce qu’il est parfait mais pour devenir parfait.

C’est dire que la vocation introduit dans une aventure avec le Christ dont l’aboutissement est l’accès à la vie parfaite. Nous réalisons alors que : « chacun de nous est le fruit d’une pensée de Dieu. Chacun de nous est voulu, chacun de nous est aimé, chacun de nous est nécessaire »[1] Chaque appelé fait l’expérience d’un amour si fort qu’il n’a plus besoin de chercher à être aimé. Il veut se donner sans compter.

La méditation sur la vocation de Lévi nous permet de relire l’histoire de notre propre vocation, en particulier celle de la Sœur Prisca qui ne manque pas des points de convergence. Lévi a été appelé de son bureau de collecteur d’impôts pour devenir apôtre du Seigneur et évangéliste. La sœur Prisca a, elle aussi, entendu au fond de son cœur cette voix qui lui disait : « Suis-moi ». Elle a quitté le service de comptabilité qu’elle voulait rendre dans le monde pour annoncer par sa vie, l’Evangile du Christ au monde de notre temps.

Dans une certaine mesure, elle est appelée à refléter pour notre monde aujourd’hui le visage de Lévi, l’apôtre du Seigneur. Comme Lévi qui se lève de son bureau de collecteurs d’impôts en abandonnant le vieil homme pour revêtir l’homme nouveau, la sœur Prisca devra, elle aussi, abandonner le vieil homme pour revêtir l’homme nouveau.

Le saint Pape Jean Paul II nous enseigne que « la vocation des personnes consacrées à chercher avant tout le Royaume de Dieu est, en priorité, un appel à la pleine conversion, par le renoncement à soi-même pour vivre entièrement du Seigneur, afin que Dieu soit tout en tous » (Vita Consacrata, n° 35). C’est dire que l’alliance que le Seigneur scelle avec la Sœur Prisca, l’engage à accueillir le Christ comme l’unique trésor pour lequel elle relativise toute chose.

Cette alliance l’engage à oublier son pays et la maison de son Père afin de « rendre présent dans le monde d’aujourd’hui le Dieu de Jésus-Christ et son Règne par le service des pauvres et des membres souffrants de Jésus-Christ » comme l’indique le charisme de sa congrégation. Cette alliance l’engage même à vivre une profonde communion fraternelle qui la pousse à collaborer avec tous, même avec des personnes dont les points de vue sont opposés aux siens. Dans l’évangile de ce jour en effet, en acceptant l’appel de Jésus, Lévi s’engageait à servir le Christ aux côtés des autres disciples.

La sœur Prisca a déjà commencé à faire l’expérience de l’abandon au Seigneur et du renoncement à soi, pendant ses premières années de vie religieuse. Mais le pas qu’elle pose, en ce jour, l’engage définitivement à toujours faire de nouveaux progrès dans l’amour de Dieu et du prochain. En prononçant les vœux d’obéissance, de pauvreté et de chasteté tout à l’heure, elle s’abandonnera au Seigneur comme l’argile entre les mains du potier. Les pas qu’elle posera jour après jour devront être fermes pour qu’elle aide ceux et celles vers qui la mission la conduit à mieux connaître le Christ, à l’aimer et à le servir.

Le Seigneur a révélé à notre sœur son visage d’amour qui relève et engage sur le chemin de la perfection. C’est pourquoi, elle ne devra jamais s’estimer comme une parvenue. Elle devra oublier ce qui est derrière elle et tendre de toutes ses forces vers ce qui est en avant. Dans le changement qui l’arrache à ses conquêtes, elle sera enfin transformée en Celui qu’elle désire ardemment, le Christ[2], le grand prêtre par excellence, son divin Epoux. C’est en cela que son rapport à la Parole de Dieu est déterminant.

Le rapport de l’appelé à la Parole de Dieu est en effet le deuxième point sur lequel je voudrais attirer notre attention. La première lecture de ce jour nous présente avec précision l’efficacité de la Parole de Dieu. L’auteur sacré l’a décrite comme énergique, coupante comme une épée à deux tranchants. Il faut percevoir en ces mots la capacité de la Parole de Dieu à conduire efficacement sur le chemin de la sainteté ceux et celles qui l’abordent dans un esprit de pauvreté.

Le Seigneur l’avait déjà signifié par le prophète Isaïe en ces termes : « La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans voir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, donnant la semence au semeur et le pain à celui qui doit manger ; ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qui me plaît, sans avoir accompli sa mission » (Is 55, 10-11). La Parole de Dieu est donc performative, elle réalise ce qu’elle exprime.

Le monde où nous sommes, nous offre une multitude d’opportunités. Il est rempli d’appels et de sollicitations qui peuvent affaiblir notre détermination. Face à ces sollicitations, la méditation de la Parole de Dieu constitue pour nous un repère de foi, elle est une source de fécondité intarissable pour chaque consacré et pour tout chrétien. La Parole de Dieu nous prépare intérieurement à affronter toutes les tentations du monde, elle nous apporte un soutien inaltérable susceptible de guérir nos cœurs brisés et nos esprits humiliés par les vicissitudes de la vie.

Pendant les six années de vœux temporaires qu’aura duré sa première expérience de vie religieuse dans la Congrégation des Sœurs de l’Immaculée Conception, la Sœur Prisca a noté elle-même combien la Parole de Dieu a joué un rôle centrale dans sa vie. Voulant savoir ce qui l’a poussée à faire son engagement définitif dans la Congrégation, la Sœur Prisca n’a pas hésité à partager avec moi ses motivations profondes. Elle m’écrivait : « Les motivations qui me poussent à m’engager définitivement dans cette congrégation sont d’abord la relation intime avec le Seigneur, que j’ai cultivée en moi dans la foi, la confiance et l’abandon. La Parole de Dieu me nourrit et m’ouvre un chemin de conversion au quotidien ».

C’est à cette Parole de Dieu que je voudrais inviter, aussi bien la Sœur Prisca que chacun de nous ici présents, à s’abreuver sans cesse et s’en nourrir, à la manière de Marie, la sœur de Marthe, assise aux pieds du Seigneur, écoutant sa Parole (Lc 10, 39). Oui, nous devons revenir sans cesse à la Parole de Dieu pour notre nourriture spirituelle et pour l’approfondissement de notre foi.

L’auteur de la lettre aux Hébreux nous enseigne en effet que la Parole de Dieu est vivante. Elle l’est d’abord parce qu’elle veut nous communiquer la vie de Dieu. Elle l’est ensuite parce qu’elle ne passera pas. Elle l’est enfin parce qu’au contact de la Parole de Dieu, nous pouvons entendre, voir et toucher le Verbe de Vie[3], c’est-à-dire le Christ que nous avons reçu la mission d’annoncer au monde.

L’année dernière, le pape François a institué le dimanche de la Parole de Dieu pour nous « rappeler l’importance et la valeur de la Sainte Ecriture pour la vie chrétienne ainsi que la relation entre la Parole de Dieu et la liturgie »[4] Le dimanche 24 janvier prochain, nous aurons passé une année liturgique depuis la première édition. Avons-nous entendu son appel ? Que faisons-nous, pour qu’au contact de la Parole de Dieu, nos vies s’enracinent dans le Christ ? Un homme de foi, c’est celui qui, devant le Seigneur, peut dire modestement mais en vérité : « Ta Parole est la lampe de mes pas, la lumière de ma route » (118, 105).

Qu’à l’intercession de Notre Dame de l’Immaculée conception, le Seigneur accorde à notre Sœur Prisca et à chacun de nous la grâce de Le découvrir toujours plus intimement à l’écoute de sa Parole. Qu’Il nous donne de répondre généreusement à l’appel qu’Il nous lance afin d’être de vrais témoins de sa Présence dans le monde, Lui qui vit et règne maintenant et dans les

[1] Benoit XVI, Homélie de la messe inaugurale de son pontificat.

[2] Cf. H. Urs von Balthasar, Retour au centre, p. 16.

[3] Cf. H. Urs von Balthasar, Qui est chrétien, 33.

[4] Robert Card. SARAH, Note sur le dimanche de la Parole de Dieu.