25 ANS DU CENTRE SENYON

25 ANS DU CENTRE SENYON

Chers frères et sœurs dans le Christ,

Nous voici rassemblés pour célébrer les 25 ans du Centre Sènyon. Ce jubilé d’argent est un véritable motif d’action de grâce et de joie pour tous. Alors, bonne et joyeuse fête à vous tous !

Je salue le Père Fulbert, directeur de ce centre, ainsi que tous ceux qui collaborent avec lui. Avec une grande reconnaissance, je salue les artisans d’hier, notamment Docteur Gisèle ÉGOUNLÈTY, ainsi que toutes les personnes qui se sont investies pour la mission de ce centre.

En cette heureuse occasion, comment ne pas évoquer le glorieux souvenir et la vision prophétique de Mgr Isidore de Souza, initiateur de ce centre ? En effet, c’est suite au mini-synode diocésain de 1992 qu’il avait pris la décision de mettre sur pied ce centre. Face aux multiples interrogations que suscitent habituellement les maladies dont la médecine moderne ne détient pas toujours le remède, Mgr de Souza disait ces paroles prophétiques : « Il m’apparaît une fois encore et dans une clarté saisissante, que la préparation de la voie à l’avènement du Royaume de Dieu au Bénin postule de notre part de mettre tout en œuvre pour libérer les Béninois et Béninoises de la peur. Ceci est urgent. La peur est inconciliable avec l’Esprit dont les fruits sont entre autres la joie, la paix, l’amour… »[1] C’est pourquoi « le mini-synode a insisté sur la création, à moyen terme, d’un centre de traitement de médecine africaine tenu par des pharmacologues avertis et de foi chrétienne sûre et rassurante »[2].

Et le fruit concret de sa vision, c’est ce centre dont nous célébrons aujourd’hui le jubilé d’argent. Que le Nom du Seigneur soit béni !

C’est dire que dès le départ, le défi majeur pour ce centre est le suivant : « accueillir, soigner l’homme africain touché par la maladie… trouver une thérapeutique adéquate qui associe la médecine moderne, la médecine traditionnelle et la foi chrétienne »[3]. Sommes-nous vraiment restés fidèles à cette mission ? Les textes du jour nous éclairent bien sur le bilan à faire, à travers trois points majeurs qui méritent d’être fortement soulignés.

Le premier point, c’est la fidélité à Dieu comme chemin de vie et de salut. Dans la première lecture, le péché de Jéroboam a été précisément de détourner son cœur et celui du peuple de son Seigneur. Dieu voulait garder son peuple dans la fidélité à son Nom et dans une même communion. Mais Jéroboam, pris par le goût du pouvoir, va chercher à se passer de Dieu. Il n’hésite pas alors à rééditer le triste épisode du veau d’or : Dieu, source de vie, est ainsi remplacé par l’image sans vie d’un ruminant. Cette infidélité du roi signera le déclin de son règne, sa déchéance totale, jusqu’à la disparition de toute sa maison. C’est dire que lorsque l’homme se détourne du Dieu de vie, il se coupe de la vie de Dieu, et se retrouve sur un chemin de mort. Que Dieu nous en garde !

Pour notre part, notre mission consiste à ne jamais laisser l’homme accablé par la maladie sombrer dans le désespoir et emprunter un chemin de mort : tel est dès le départ la mission assignée à ce centre. En effet, devant la maladie et la hantise des sorciers, plusieurs croyants n’hésitent pas à s’engouffrer dans des chemins sans issue, en quête d’un salut illusoire. Nombreux sont encore aujourd’hui les chrétiens qui, pour faire face à telle ou telle maladie, continuent d’avoir recours aux pratiques occultes, même si celles-ci sont en porte-à-faux avec leur foi chrétienne. Le problème que le Centre Sènyon essaie de résoudre est comment utiliser à bon escient nos plantes sans toutefois verser dans l’occultisme. C’est dire que l’Église, dans le souci d’une évangélisation en profondeur, ne peut en aucun cas rester indifférente devant la situation de l’homme confronté à la maladie.

Voilà pourquoi m’adressant à vous, travailleurs et usagers de ce centre, je voudrais rappeler que l’action de Dieu doit rester au cœur de tout ce qui se fait dans ce centre. Même dans l’approche scientifique qui caractérise les soins, il y a déjà la dimension divine, car aussi bien l’intelligence humaine que les remèdes naturels proposés viennent tous de Dieu.

Que jamais donc, nul d’entre vous, pour quelque motif que ce soit, ne cède à la tentation de recourir à des moyens autres que ceux que Dieu a mis à notre disposition. Au contraire, en reconnaissant Dieu comme l’Unique source de salut et de vie, puissiez-vous vivre la compassion comme mode de transmission de la Bonne Nouvelle que vous êtes appelés à annoncer. C’est là justement le deuxième point majeur :

La compassion comme mode de communication de la Bonne nouvelle. Dans la page d’évangile, saint Marc insiste sur le fait que c’est Jésus qui le premier, exprime sa compassion pour la foule : « j’ai de la compassion pour cette foule, car depuis trois jours déjà ils restent auprès de moi, et n’ont rien à manger ». La compassion du Christ est manifestée ici de deux manières : d’abord, il se laisse toucher jusqu’aux entrailles (sens étymologique du mot compassion) face à la situation de détresse où se trouvait la foule. Ensuite, Jésus agit en les nourrissant du pain de sa Parole et du pain matériel, lequel  évoque déjà le pain eucharistique.

En agissant ainsi, Jésus indique à ses disciples qu’ils doivent non seulement se laisser profondément touchés par la situation de détresse de l’homme, mais aussi s’engager à se mettre au service de son bien spirituel et matériel, c’est-à-dire au service de tout l’homme : âme, esprit, corps.

L’Église, fidèle au Christ, se penche avec compassion sur l’homme souffrant, l’homme malade, l’homme isolé, l’homme égaré… en un mot, l’homme qui a besoin d’être remis debout. Le message évangélique n’aurait aucune pertinence s’il était désincarné, indifférent à la situation concrète de l’homme. En ce sens, le centre Sènyon est appelé à être un lieu de prédication de cet évangile intégral qui touche l’homme dans toutes ses dimensions.

Voilà pourquoi, à la suite de Mgr de Souza et de mes autres illustres prédécesseurs, je nous exhorte tous à nous engager davantage dans ce ministère de compassion, comme lieu de communication du message évangélique. Que ce centre ne soit pas un centre de phytothérapie de plus. Au contraire, par la pureté de la foi, par les compétences scientifiques et dans un esprit de compassion, travaillez à rendre à chaque patient qui vient à vous, non seulement la santé du corps et de l’esprit, mais aussi la joie de vivre et de croire en Dieu. C’est une mission que vous ne pourrez réussir que grâce à la bonne gestion des moyens que le Seigneur met à votre disposition.

C’est là justement le troisième point majeur : la bonne gestion des moyens que le Seigneur met à notre disposition pour accomplir son œuvre. Il est frappant de voir comment à la fin de l’évangile, les disciples s’empressent de ramasser les morceaux qui restaient, pourtant ce pain ne leur avait pas coûté beaucoup d’efforts ni de dépenses. En Jean 6, 12, c’est Jésus lui-même qui donne l’ordre de ramasser le reste, afin que rien ne soit perdu.

Au-delà de l’aspect moral que contient cet enseignement, il y a une dimension spirituelle essentielle : Dieu ne veut qu’aucune grâce qu’il dispense soit perdue. Recevoir une grâce et la laisser se perdre, c’est une mauvaise gestion d’un bien spirituel que Dieu donne. Au contraire, comme des intendants fidèles et avisés, sachons prendre soin des biens que le Seigneur nous confie. Et cette bonne gestion commence par la mise en commun de tous les biens, la mise à disposition même des biens qui nous appartiennent.

En ce sens, remarquons que dans la page d’évangile, les sept pains et les poissons multipliés par Jésus appartenaient aux disciples. Ceux-ci ont accepté de s’en dessaisir, de les mettre à la disposition de tous. Et c’est leur collaboration généreuse qui a rendu possible le miracle. Il y a là pour nous aussi aujourd’hui un riche enseignement.

Ce centre dont nous célébrons le jubilé d’argent est un bien précieux que le Seigneur nous confie. C’est un bel héritage laissé par nos anciens. Qu’est-ce que chacun de nous est prêt à apporter aujourd’hui à cette œuvre, pour l’entretenir et la faire croître ? Est-ce que chacun de nous se sent véritablement coresponsable de ce centre, au point d’apporter sa contribution pour son épanouissement et pour le bien de tous ?

Voici un véritable trésor déposé entre nos mains. Si nous le considérons comme une source à laquelle chacun doit se servir grassement en cherchant son propre bénéfice, nous risquerions de l’étrangler par les intérêts égoïstes inavouables.

En conséquence, chers agents et usagers de ce centre, l’esprit de rivalité ne doit pas exister dans cette maison. La probité et la transparence dans les opérations, l’amour du travail bien fait la communion fraternelle doivent être des vertus recherchées par tous. Les compétences et qualités de chacun doivent être mises ensemble dans un esprit d’équipe. Autrement, lorsque les rivalités s’installent, il arrive qu’on fasse recourt même à des moyens occultes pour se combattre dans les ténèbres, au lieu de mener le combat de la lumière : qu’il n’en soit pas ainsi ! Cette maison doit demeurer une maison de lumière, où resplendit la foi authentique, où rayonne l’amour du prochain, et où l’homme retrouve la paix et la joie.

Pour cela, tournons-nous vers Marie, secours des malades et reine de la paix. Docile à la Parole du Seigneur et totalement ouverte à la communion fraternelle, elle demeure pour nous un modèle de fidélité et de charité. Qu’à sa prière, le Seigneur donne à chacun la grâce de pouvoir l’adorer sans partage, même au cœur de l’épreuve, et d’avoir pour tout homme une vraie charité. Et que sur vous tous, agents d’hier et d’aujourd’hui, patients, usagers, amis et bienfaiteurs, descende en abondance la bénédiction du Seigneur, Lui qui vit et règne maintenant et pour les siècles des siècles. Amen.

[1] Avant-propos de l’exhortation post synodale

[2] Exhortation post-synodale, L’intériorisation de l’amour du prochain, p 50.

[3] Cf. texte du projet, n°1.4 (But du projet), page 2