Homélie Solennité de l’Annonciation du Seigneur Messe pour le dialogue et la cohésion entre les filles et fils du Bénin et pour une élection présidentielle pacifique

Jeudi 25 mars 2021.

Solennité de l’annonciation du Seigneur.

Messe pour le dialogue et la cohésion entre les filles et fils du Bénin et pour une élection présidentielle pacifique.

Chers frères et sœurs dans le Christ,

Chers cadres et personnalités politiques,

Nous sommes réunis pour prier pour la paix, non pas pour n’importe laquelle, mais pour celle qui vient de Dieu. Oui, la véritable paix est celle qui vient de Dieu et non celle donnée par le monde. De fait, il est possible d’établir une paix éphémère à la manière du monde mais la paix que nous sommes appelés à accueillir, en tant que croyants, est un don de Dieu. Le Christ nous dit en effet : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne » (Jn 14, 27).

Le projet de Dieu pour l’humanité a toujours été l’établissement d’une véritable paix sur la terre des hommes. Par ses prophètes, le Seigneur présentait son projet de salut, comme une alliance de paix : « Je conclurai avec eux (disait-Il) une alliance de paix, ce sera une alliance éternelle » (Ez 37, 26). Nous comprenons pourquoi la naissance du Fils de Dieu à Bethléem est saluée par les anges comme l’annonce de l’avènement de cette paix. Les anges chantaient : « Gloire à Dieu, au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime » (Lc 2, 14).

Mais Dieu ne saurait établir la paix sans la collaboration des hommes. Il sollicite de notre part une si franche collaboration qu’Il nous appelle à devenir des artisans de paix. Sommes-nous prêts à répondre à cet appel ? Dans le sermon sur la montagne, Jésus précise la récompense qui nous est réservée si nous consentons à devenir des artisans de paix : « Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5, 9).

Être artisan de paix ce n’est pas seulement être doux[1] ou pacifique, c’est construire la paix autour de soi en aidant véritablement des parties antagonistes, dans nos familles, sur nos lieux de travail, dans notre pays et au-delà à se réconcilier. Être artisan de paix, c’est être soi-même prêt à faire le premier pas vers le prochain, c’est prendre la main que Dieu nous tend et tendre la main au prochain. Si nous résistons à être des artisans de paix, si nous n’acceptons pas de collaborer avec Dieu pour accueillir le don de vivre ensemble et de construire notre commune destinée, la véritable paix ne saurait s’établir.

La solennité de l’Annonciation que nous célébrons aujourd’hui constitue un rappel de la sollicitation que Dieu adresse à l’homme pour que la paix (œuvre d’amour de son cœur) puisse s’établir. La page d’évangile que nous venons d’entendre nous montre que Marie est celle qui répond positivement à l’appel de Dieu. En cela, elle est notre modèle en matière de collaboration à l’œuvre de salut et de paix dans le monde. À travers la figure de Marie, trois conditions s’avèrent indispensables à l’avènement d’une véritable paix.

La première est l’ouverture du cœur de l’homme à la Parole de Dieu. Il a fallu que Marie s’ouvre à la Parole de Dieu pour que l’annonce de l’ange Gabriel résonne dans son cœur. L’ouverture totale, l’entière disponibilité que Marie a manifestée à la Parole de Dieu lui a permis d’écouter attentivement le message de l’ange et de lui répondre librement, dans un véritable dialogue. Parce qu’elle avait ouvert son cœur, elle accueillait le message de l’ange, elle lui posait des questions et, à travers les réponses de l’ange, elle comprenait mieux le projet d’amour et de paix de Dieu.

C’est dire que sans l’ouverture préalable du cœur de l’homme à la Parole de Dieu, nous ne saurions discerner le message de paix qu’Il nous annonce pour dialoguer avec Lui, Le comprendre et développer une compréhension mutuelle entre nous. Nous serons toujours portés à nous écouter nous-mêmes et non pas Dieu qui nous parle aujourd’hui encore à travers les saintes Écritures, à travers les autres (nos prochains) et les événements qui surviennent.

L’ouverture du cœur de l’homme à Dieu instaure un vrai dialogue, condition d’une véritable paix avec Dieu, avec nos frères et sœurs, les hommes et avec nous-mêmes. Demandons au Seigneur de nous aider à nous libérer de tout ce qui nous empêche de nous ouvrir à sa Parole pour véritablement collaborer à son œuvre de paix.

La deuxième condition à l’établissement d’une véritable paix est la confiance en la Toute-puissance de Dieu. Frères et sœurs dans le Christ, confessons que, dans notre humaine condition, il nous paraît plus aisé de compter sur nous-mêmes, sur nos capacités et sur nos compétences que de mettre notre confiance en Dieu. Marie nous apprend plutôt à avoir confiance en la Toute-puissance de Dieu pour l’accomplissement de l’œuvre de paix et de salut à laquelle Il nous associe.

Face à l’annonce faite par l’ange, elle n’a pas manqué de relever son incapacité : « comment cela va-t-il se faire puisque je ne connais pas d’homme ». Mais, avec l’explication donnée par l’ange, elle finit par comprendre que la réalisation de cette œuvre divine ne relève nullement de sa capacité humaine mais plutôt de la force de Dieu, Lui qui est le Dieu de l’impossible. De fait, comme l’annonce l’ange : « L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très Haut te prendra sous son ombre ». Cette puissance de Dieu a toujours été à l’œuvre dans l’histoire du salut et c’est pour cela qu’Élisabeth, la cousine de Marie, a pu avoir un fils, bien qu’elle soit stérile, « car rien n’est impossible à Dieu ».

La confiance en la Toute-puissance de Dieu est donc indispensable pour que la paix véritable puisse s’établir. Cette confiance faisait défaut au roi Acaz dans la première lecture. Confronté à la menace des forces étrangères, il n’a pas pu mettre sa confiance en Dieu. Bien que le prophète lui ait proposé de demander un signe, il a voulu compter sur lui-même et sur la force de ses alliés.

Nonobstant la résistance du roi Acaz, le Seigneur a pleinement manifesté sa loyauté en lui donnant un signe à travers la naissance d’un fils, préfiguration de l’Emmanuel, Dieu-avec-nous. C’est dire que, malgré notre manque de confiance, Dieu reste toujours fidèle à son projet de salut : le projet d’établir une paix durable pour les hommes.

Marie est celle qui nous montre l’attitude adéquate par laquelle cette paix durable peut s’établir chez les hommes : la confiance indéfectible en la Toute-puissance de Dieu, une confiance qui ne peut voir le jour que lorsque nous acceptons de mourir à nous-mêmes. C’est là, la troisième condition que nous indique la figure de Marie.

La troisième condition à l’établissement d’une véritable paix consiste en effet, à renoncer à soi-même, à sa propre volonté, à ses désirs pour que s’accomplisse la volonté de Dieu. Dans la page d’évangile de ce jour, Marie le traduit si bien quand elle dit : « Voici la servante du Seigneur, que tout m’advienne selon ta Parole ». Par son fiat, elle nous apprend que seul le renoncement à nous-mêmes peut nous permettre d’accomplir la volonté de Dieu, seul gage d’une véritable paix.

De ce point de vue, le Christ, le Prince de la paix nous donne aussi un bel exemple. La lettre aux Hébreux nous décrit comment l’incapacité du sang des taureaux et des boucs à enlever les péchés soumettait l’humanité à une situation sans issue. Le Christ nous a délivrés de cette impasse en se sacrifiant, en s’offrant : « Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps. Tu n’as pas agréé les holocaustes ni les sacrifices pour le péché ; alors, j’ai dit : Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté ». Dieu nous a sauvés en nous faisant définitivement don de sa paix à travers le sacrifice de son Fils qui renonce au rang qui l’égalait à Dieu.

Frères et sœurs dans le Christ, il est possible de construire une paix éphémère à la manière du monde mais pour répondre à l’appel de Dieu à devenir des artisans de paix, nous sommes invités à ouvrir nos cœurs à la Parole de Dieu, à développer une véritable confiance en Dieu et à renoncer aux intérêts particuliers et égoïstes. La paix constitue notre premier Bien commun. En contemplant l’obéissance de la Vierge Marie et sa docilité à la Parole de Dieu, nous sommes appelés à la sauvegarder dans la vérité et la charité. Que Jésus, le Prince de la paix nous y aide, Lui qui vit et règne maintenant et pour les siècles des siècles, Amen.

[1] Être doux ou pacifique fait référence à une autre béatitude : « Heureux les doux, car ils posséderont la terre » (Mt 5, 4).