Homélie VEILLÉE PASCALE 2021

Samedi 3 avril 2021.

Veillée pascale.

Messe à Notre Dame de la visitation Gbèdagba.[1]

Chers frères et sœurs dans le Christ,

Hier soir, nous avions célébré la Passion de notre Seigneur Jésus-Christ. L’événement de la mort du Christ nous a remplis de tristesse et au terme de la célébration, nous nous étions retirés tristement, dans un silence méditatif. La mort du Christ est en effet, un véritable drame qui révèle la triste réalité du cœur de l’homme, traversé de multiples contradictions, recherchant Dieu, mais rejetant aussi Dieu au point de le clouer sur la croix. La mort du Christ est un immense drame qui manifeste comment l’humanité peut, dans son cheminement avec Dieu, donner le pire d’elle-même alors que Dieu donne toujours le meilleur de Lui-même.

Aujourd’hui, nous sommes réunis, non plus dans la tristesse, non plus dans l’amertume, mais dans la joie et l’allégresse. Avec les femmes, nous avons entendu l’ange nous porter la nouvelle que voici : « Ne soyez pas effrayées ! Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici. Voici l’endroit où on l’avait déposé. Et maintenant, allez dire à ses disciples et à Pierre : “Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l’a dit.” ».

Cette nouvelle constitue une immense surprise, une resplendissante lumière qui illumine soudain l’humanité de sa clarté. Car Jésus était bel et bien mort sur la croix. Joseph d’Arimathie l’avait en effet déposé au tombeau après que Marie, sa mère a accueilli son corps inerte. Ces événements avaient plongé l’humanité dans la nuit, mais le tombeau vide et l’ange qui nous apporte la nouvelle de sa résurrection nous font remarquer qu’à la nuit de la mort du Christ succède l’aurore resplendissante de la résurrection. Oui, « ressuscité d’entre les morts, le Christ ne meurt plus ; sur lui la mort n’a plus aucun pouvoir ».

La nouvelle de la résurrection du Christ, en plus d’être une Bonne Nouvelle, nous donne la clef de lecture de l’histoire du salut. Elle nous permet de voir l’accomplissement des Saintes Écritures et elle nous comble de grâces et de bénédictions. À la lumière de la résurrection du Christ que nous enseignent les textes écoutés en cette nuit très sainte ?

La toute première vérité qui apparaît avec la résurrection du Christ, c’est que Dieu est vainqueur du péché et de la mort. Le livre de l’Exode vient de nous décrire comment le Seigneur a agi à bras étendu pour sauver son peuple de la servitude et de la mort. L’événement reste mémorable pour le peuple juif, mais une observation profonde de l’histoire du salut révèle que le peuple libéré par Dieu de la servitude d’Égypte est resté esclave du péché et de la mort. La Passion du Christ constitue l’illustration parfaite de cet esclavage.

À partir de la résurrection du Christ, il apparaît que la toute-puissance de Dieu ne s’exprime plus seulement quand Il fait passer la mer rouge à pied sec à son peuple Israël, quand Il anéantit ses ennemis et le libère. La toute-puissance de Dieu s’exprime bien plus quand Il libère du péché et de la mort l’humanité entière en s’anéantissant Lui-même.

Nous qui sommes chrétiens convertis au Christ, nous faisons encore aujourd’hui l’expérience de cette libération. Nous nous rendons compte en effet que notre vie présente avec le Christ n’a rien de comparable avec celle que nous menions auparavant (une vie passée fortement marquée par l’ancrage dans le péché et les ténèbres). Le baptême que nous avons reçu nous a permis de faire le passage de la mort à la vie : mort aux péchés et au monde des ténèbres où nous étions plongés, et accès à une nouvelle vie (la vie nouvelle avec Christ où nous avons été propulsés). C’est dire que la libération que nous apporte le Christ ressuscité est une libération toujours actuelle et perceptible à travers notre vie renouvelée de témoin du Christ.

La deuxième vérité c’est que dans sa fidélité, Dieu rend pour toujours son peuple héritier de sa victoire sur le péché et sur la mort. Dans le récit du livre d’Isaïe, le Seigneur disait à son peuple : « dans mon éternelle fidélité, je te montre ma tendresse, (…) Même si les montagnes s’écartaient, si les collines s’ébranlaient, ma fidélité ne s’écarterait pas de toi, mon alliance de paix ne serait pas ébranlée ».

En ces moments, de dures épreuves connues par le peuple durant l’exil à Babylone, le Seigneur lui manifestait qu’au-delà des limites de la terre promise, Il ne l’abandonnerait pas. À la lumière de la résurrection du Christ, nous comprenons, que le Seigneur ne soutient pas seulement son peuple en exil, sa fidélité résiste pour toujours aux puissances de la mort.

Cette découverte est un message d’espérance pour nous qui sommes confrontés à toutes sortes d’épreuves, de tentations ou de forces contraires à notre foi chrétienne. Dieu ayant établi avec nous une fidélité éternelle, il ne saurait nous abandonner face à toutes les turbulences qui pourraient ébranler notre foi. En reprenant les versets du livre du prophète Isaïe, nous pouvons affirmer avec conviction que dans la foi en la résurrection du Christ, même si les montagnes s’écartent et que les collines s’ébranlent, même si nous sommes dans la vallée de la mort, la fidélité du Seigneur ne nous fera jamais défaut, car il s’agit d’une fidélité éternelle. Son alliance de paix restera infrangible face aux puissances de la mort. Cette alliance nous donnera la vie en abondance. Elle nous donne la vie éternelle.

La troisième vérité, c’est que la résurrection du Christ transforme notre existence présente, elle nous donne un cœur nouveau et un esprit nouveau. Nous comprenons souvent la résurrection du Christ comme une grâce qui nous garantit la vie après la mort. La résurrection du Christ est de loin une grâce qui illumine notre existence présente. Elle donne un but à notre cheminement sur la terre, nous délivre des tribulations, des déceptions et amertumes de ce monde. Comme l’exprimait si bien le cardinal RATZINGER dans une de ses homélies du Samedi Saint[2] : « dans la mesure où nous sommes unis au Christ, nous sommes déjà aujourd’hui « passés de la mort à la vie », nous vivons dès à présent la vie éternelle, qui n’est pas seulement une réalité qui vient après la mort, mais qui commence aujourd’hui, dans notre communion avec le Christ ».

La vie des témoins de la résurrection l’illustre bien. Lorsqu’on compare la tristesse des femmes (Marie Madeleine, de Marie, mère de Jacques et Salomé) au moment où elles cheminaient pour embaumer le corps de Jésus et la vie qu’elles mènent après la découverte de la victoire de Jésus sur la mort, lorsqu’on compare la peur des disciples, l’immense déception qu’ils avaient à la mort de Jésus et la vie qu’ils mènent à partir du moment où ils découvrent qu’Il est ressuscité, on remarque bien que la résurrection n’est pas une grâce réservée aux morts, elle n’est pas seulement la certitude de notre glorification prochaine, elle est la grâce qui transforme l’existence présente de ceux qui cheminent encore avec le Christ sur la terre.

Cette grâce accomplit parfaitement les promesses du Seigneur présentée par le prophète Ézéchiel : « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’ôterai de votre chair le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon esprit, je ferai que vous marchiez selon mes lois ». C’est déjà dans la vie présente que ceux qui croient en la résurrection du Christ manifestent la nouveauté de leur cœur et de leur esprit. Ils abandonnent le vieil homme pour revêtir l’homme nouveau. C’est dire, que la foi en la résurrection du Christ devrait avoir sur nous un impact immédiat pour nous préparer à recevoir la grâce de la vie éternelle.

Au vingt-unième (XXIème) siècle, nous sommes, nous aussi appelés à être des témoins de la résurrection du Christ en vivant dans l’action de grâce, en nous unissant au Christ par une assiduité aux sacrements et en répondant au rendez-vous que le Christ ressuscité nous donne.

Chers frères et sœurs, les soucis quotidiens, les épreuves et tribulations de la vie peuvent tenter de nous voler la joie de la résurrection. Mais, comme le Pape François nous le demande, ne nous laissons pas voler la joie de l’évangile ! Ne succombons pas à la tentation de la tristesse.

Nous ne pouvons sortir de cette célébration en ayant le cœur serré, en étant plongés dans les soucis de notre existence présente. À la suite de saint Jean Chrysostome, je lance à chacun de vous cette invitation : « Que tout serviteur fidèle entre dans la joie de son maître. Que celui qui s’est donné la peine de jeûner reçoive maintenant le denier qui lui revient. (…) Que personne ne se lamente sur sa pauvreté, car notre royaume est apparu. Que personne ne se plaigne de ses péchés, car le pardon a jailli du tombeau. Que personne ne craigne la mort, car la mort du Sauveur nous a délivrés… »[3].

Au regard des merveilles que le Seigneur accomplit pour nous par sa résurrection, au regard de sa victoire sur la mort, nous avons chanté tout à l’heure : « Le bras du Seigneur se lève, le bras du Seigneur est fort ! Non, je ne mourrai pas, je vivrai pour annoncer les actions du Seigneur. La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux ». Cette foi ferme devrait constamment animer notre action de grâce. Oui, en dépit des épreuves de la vie, rendons grâce au Seigneur car il est bon éternel est son amour.

Pour maintenir en nous cette joie de la résurrection, l’assiduité à la pratique des sacrements nous sera aussi nécessaire. La joie de la résurrection du Christ ne saurait s’estomper après cette nuit très sainte, il faut qu’elle soit nourrie par notre union au Christ dans les sacrements.

En cette nuit très sainte, nous allons renouveler les promesses baptismales. Il ne s’agit pas d’une formalité mais d’un engagement à mener une vie nouvelle dans le Christ. Saint Paul l’a expliqué dans l’épître aux Romains : « Si donc, par le baptême qui nous unit à la mort du Christ, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, comme le Christ ». Que cette grâce soit accordée à chacun d’entre nous.

L’ange qui annonçait la résurrection du Christ aux femmes finissait son message en leur communiquant un rendez-vous auquel tous les disciples de Jésus devaient répondre. L’ange disait : « allez dire à ses disciples et à Pierre : “Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l’a dit ». La Galilée constitue le carrefour des nations païennes, le lieu où l’on peut croiser ceux qui ne connaissent pas encore Dieu et qui ont besoin d’accueillir la Bonne Nouvelle de la résurrection.

Cette Galilée est aujourd’hui autour de nous. Tant de membres de nos familles respectives ne connaissent pas encore le Christ et son message de paix pour l’humanité, ils ne peuvent témoigner de Lui parce qu’ils n’ont pas encore rencontré de vrais témoins du Christ ressuscité.

La Bonne Nouvelle de la résurrection du Christ ne constitue pas une information à cacher, elle mérite d’être annoncée à tous les hommes, jusqu’aux extrémités de la terre. Et je voudrais à la suite de l’ange, vous invitez à rejoindre les témoins du Christ ressuscité qui partout sèment la joie de sa résurrection en répondant, vous aussi à ce rendez-vous.

Célébrer véritablement la nuit de Pâques, c’est s’engager à prendre les chemins du monde pour annoncer la résurrection du Christ. Célébrer véritablement la Pâques du Seigneur, c’est répondre aux différents rendez-vous qu’Il nous donne pour transformer le monde. Qu’Il nous aide à y répondre maintenant et pour les siècles des siècles, Amen.

[1] Textes pris en compte : Gn 1, 1 – 2, 2 Ex 14, 15 – 15, 1a ; Is 54, 5-14 ; Ez 36, 16-17a.18-28 ;

[2] 26 mars 2005.

[3] Saint Jean Chrysostome, Sermon pour la Vigile de Pâques dans Nuit de Pâques suivant le rite bysantin, Chevetogne, 1962, p. 31-32.