HOMÉLIE ORDINATIONS DIACONALES
Samedi 12 septembre 2020.
ORDINATIONS DIACONALES.
Chers frères et sœurs, venus participer à cette célébration, et vous tous qui nous suivez de partout à travers les ondes de Radio Immaculée Conception,
Nous sommes rassemblés dans la joie, pour l’ordination diaconale de ces 29 candidats. En tant que diacres, ils accompliront le service de l’autel, de la Parole et de la charité. L’exercice de ce ministère les préparera de façon immédiate à recevoir dans quelques mois – si Dieu le veut – l’ordre sacré du presbytérat. Je nous invite tous à prier intensément pour eux, afin qu’ils ne soient pas des diacres en plus, mais de véritables témoins de la charité et de la sainteté du Christ dans l’Eglise et dans le monde.
Par l’ordination diaconale, ils vont devenir des clercs, ministres sacrés, consacrés pour le service de Dieu dans son Eglise. A ce titre, ils sont appelés à une sainteté de vie plus radicale. En effet, dans leur conduite, les clercs sont tenus par un motif particulier à poursuivre la sainteté, puisque consacrés à Dieu à un titre nouveau par la réception du sacrement de l’ordre, ils sont les dispensateurs des mystères de Dieu au service de son peuple (cf. canon 276 § 1).
Je me réjouis du fait que cette ordination se déroule dans un climat particulièrement recueilli, qui aide à mieux appréhender la gravité de ce que nous faisons ce matin. Gravité, chers candidats, car par l’ordination diaconale, vous allez devenir des clercs. Il ne s’agit nullement d’une promotion ni d’une ascension. Bien au contraire, configurés plus intimement au Christ par l’ordination, vous devrez vous abaisser au rang de serviteurs, comme le Christ, qui s’est abaissé pour laver les pieds de ses disciples. Vous devrez être à genoux pour communier avec le Maître, debout pour servir vos frères, et jamais assis pour commander. Voilà ce que vous allez devenir dans quelques instants.
Aussi voudrais-je vous parler cœur à cœur, chers fils, pour vous aider à appréhender à nouveaux frais ce que le Seigneur et son Eglise attendent de vous. D’ailleurs, les textes du jour qui n’ont pas été choisis pour la circonstance, vous donnent un enseignement clair : celui de la fidélité au Christ pour porter de bons fruits. De même qu’on ne peut communier au Christ et aux idoles à la fois, de même vous non plus, ne pouvez être configurés au Christ par l’ordination, sans vous arracher totalement à tout ce qui ne favorise pas la communion avec Lui. Cela implique que soit bien visible et sincère votre témoignage, afin que l’on puisse reconnaître à vos bons fruits que vous êtes véritablement des serviteurs consacrés au Christ dans la vérité.
Vous le savez : les insinuations et même les accusations violentes contre les clercs ne cessent de se multiplier ; certains vont jusqu’à remettre en cause le sérieux de nos engagements auxquels ils ne croient pas. Quoiqu’il en soit, ce n’est pas par des discours, mais plutôt par une vie cohérente, par les fruits de sainteté que nous portons, que nous pourrons apporter une réponse pertinente et crédible sur la question de notre identité. Comment donc pourrez-vous être des diacres dont la vie soit un véritable rayon de sainteté projeté dans l’Eglise ? A partir des textes, je voudrais vous indiquer trois repères clés pour un état clérical crédible devant les hommes et agréable à Dieu.
Le premier repère, c’est d’avoir conscience que votre consécration est une exigence de communion exclusive avec le Seigneur. Dans la première lecture, saint Paul reproche aux Corinthiens leur tendance à une double appartenance. En ayant part au pain rompu et à la coupe de bénédiction, ils sont déjà en communion avec le Seigneur. Or en s’approchant des idoles, ils entrent aussi en communion avec les démons. Comment avoir cette double appartenance sans provoquer l’ardeur jalouse du Seigneur ?
C’est dire qu’en communiant avec le Seigneur, notre vie n’est plus à nous-mêmes, mais à Lui seul. Nous lui appartenons entièrement. Or vous, chers futurs diacres, vous n’allez pas seulement être en communion avec le Seigneur : vous allez lui être consacrés par l’ordination. Tout à l’heure, vous allez vous mettre en prostration, attitude d’entière soumission, d’abandon total à l’Esprit Saint qui va vous transformer de l’intérieur pour que vous soyez configurés au Christ. Puis vous allez vous relever, comme des ressuscités, prêts à entrer dans ce mystère qui vous établira dans une communion intime avec le Seigneur. Car l’ordination que vous allez recevoir n’est pas une investiture symbolique, mais une véritable consécration. Vous serez introduits par la puissance de l’Esprit dans le domaine du sacré. Toute votre personne : votre esprit, votre âme, votre corps et votre cœur : tout sera totalement et définitivement voué au Christ et à Lui seul. Par l’ordination, vos âmes vont être marquées du caractère indélébile de l’Esprit pour vous faire devenir des ministères sacrés, entièrement consacrés à Dieu comme diacres.
C’est dire toute la gravité de ce qui va se passer en vous dans quelques instants. Aussi voudrais-je vous prier de quitter rapidement l’euphorie de votre admission au diaconat pour appréhender toute la gravité de ce que vous faites aujourd’hui. Ayez bien conscience de cette communion intime et exclusive dans laquelle vous entrez à partir d’aujourd’hui. Par votre engagement perpétuel au célibat chaste, vous venez de manifester votre disponibilité à entrer dans cette communion exclusive. Tout à l’heure encore, vous vous engagerez à maintenir cette communion, en promettant de dire quotidiennement et intégralement la prière des heures. Que le Seigneur vous soutienne dans cette vie de communion avec Lui.
Le deuxième repère, c’est la vie de témoignage qui consistera à être en vérité ce que vous devenez aujourd’hui. Dans la page d’évangile, Jésus enseigne que c’est aux fruits qu’on reconnaît l’arbre. Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri ; jamais non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit. Chaque arbre, en effet, se reconnaît à son fruit… C’est dire que la vie de témoignage ne consiste nullement dans un jeu de rôle comme au théâtre. Il ne s’agit pas de donner à voir à l’extérieur autre chose que ce que l’on est en vérité. Le témoignage n’est donc rien d’autre que l’extériorisation de l’être.
En ce sens, pour vous futurs diacres, le témoignage n’est pas une action supplémentaire qui viendrait s’ajouter à ce qui est attendu de vous. Le témoignage fait partie de la « grammaire » de votre état clérical et ne saurait en aucun cas être considéré comme facultatif. Car l’état clérical n’est pas une carrière, ni une fonction qui serait séparée de la vie privée : on ne fait pas le prêtre, on est prêtre en vérité, ou on ne l’est pas. L’état clérical que vous allez embrasser est toute une vie, vie de communion intime avec le Christ et de témoignage conséquent. Ce qui fait le clerc, ce n’est ni l’habit, ni d’abord la fonction liturgique, encore moins les bénédictions que vous vous empresserez de distribuer à tour de bras dès la fin de cette messe. Le clerc se définit par ce qu’il est : un quêteur, un véritable amoureux de Dieu, plongé dans la prière et brillant par le témoignage. Le ɖɛviɖɛnɔ-kpogɛ que vous allez devenir est justement celui qui s’initie davantage à cette vie de communion intime et de témoignage. Votre cohérence de vie indiquera la qualité de l’arbre que vous êtes.
Tout à l’heure, avant de vous imposer les mains, je vais vous interroger sur votre intention de recevoir la charge du diaconat et de vivre cet état de façon cohérente. Je vous exhorte instamment, dans votre vie de témoignage, à veiller particulièrement à ce que votre engagement au célibat soit bien visible de tous. Par le célibat chaste vécu dans la transparence, votre ministère sera plus crédible et resplendira d’une grande clarté. La chasteté est un don de Dieu à recevoir avec ferveur. Elle est le signe de notre attachement au Christ, et l’aiguillon qui stimule votre zèle pastoral. C’est elle qui entretient notre don exclusif au Christ et nourrit la joie de servir le peuple de Dieu. Véritable lieu de fécondité spirituelle, elle donnera éclat et beauté à votre témoignage. Je vous exhorte donc à faire vôtres ces paroles du psaume responsorial : je tiendrai mes promesses au Seigneur, oui devant tout son peuple. Que Dieu vous y aide aujourd’hui et toujours !
Enfin, le troisième repère, c’est la nécessité de fonder toute votre vie et votre ministère sur le Christ. Dans la page d’évangile, Jésus nous enseigne que ce qui fait la solidité d’une vie chrétienne, c’est l’écoute et la mise en pratique de la Parole de Dieu. Il dit : Quiconque vient à moi, écoute mes paroles et les met en pratique (…) ressemble à celui qui construit une maison. Il a creusé très profond et il a posé les fondations sur le roc… Notons bien qu’il y a là trois démarches : venir au Christ, écouter sa parole, la mettre en pratique. C’est dire que toute notre vie doit être le lieu d’un véritable enracinement dans la Parole écoutée et mise en pratique. Sans cet enracinement, la vie chrétienne devient un artifice inutile, un véritable château de cartes qui s’écroule au moindre vent.
Vous, chers futurs diacres, vous allez devenir ministres de la Parole de Dieu. En vous transmettant dans quelques instants l’Evangéliaire, je vous dirai ces paroles que vous devrez garder comme une boussole : soyez attentif à croire à la Parole que vous lirez, à enseigner ce que vous avez cru, et à vivre ce que vous aurez enseigné. Cela signifie concrètement qu’avant d’être ministres de la Parole, vous devez d’abord en être les auditeurs attentifs. Car nul ne peut prétendre prêcher la Parole, s’il ne l’a d’abord écoutée et intériorisée dans son cœur, pour la mettre en pratique. Si votre vie n’est pas fondée sur le Christ dans l’écoute assidue de sa Parole, votre prédication deviendrait un simple exercice de rhétorique. En effet, ce n’est d’abord ni par l’éloquence, ni par l’érudition, ni par l’intelligence que nous sommes appelés à transmettre la Parole. La vraie prédication naît, comme d’une source, de la vie d’intimité avec le Christ. Comme le dit Saint Jean[1], ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie, voilà ce que nous sommes appelés à annoncer. Nous ne prêchons pas une doctrine ; nous annonçons plutôt une personne vivante, avec qui nous sommes en communion intime. En conséquence, chers futurs diacres, les sources de votre prédication doivent être : la méditation régulière de la Parole, l’étude constante assidue et la vie de témoignage. Contempler et transmettre aux autres ce que vous aurez contemplé[2] : c’est à cela que vous êtes appelés.
Voilà pourquoi je voudrais instamment vous exhorter à ne jamais perdre de vue la dimension mystique de votre état clérical. Etant introduits dans un mystère de communion, votre ministère doit être le débordement de votre vie intérieure et doit se traduire par le témoignage. Sans cette vie intérieure, lieu de votre enracinement dans le Christ, votre ministère sera sans doute efficace pour les autres en vertu de la puissance du Christ, mais ce serait un ministère sans fécondité. Que Dieu vous en garde.
Aussi voudrais-je vous inviter avec insistance à garder comme vous le promettrez dans quelques instants un esprit de prière, attachés à la liturgie des heures, à la méditation, l’oraison mentale, la lectio divina, la dévotion à l’Eucharistie et à la Vierge Marie.
C’est à elle, Marie, que je confie chacun de vous. Fidèle toute sa vie au Seigneur, elle est l’étoile du matin, le vase insigne de dévotion, la mère des consacrés. Qu’elle intercède constamment pour vous, afin que le Seigneur fasse de vous des témoins de sa charité et des signes vivants de sa sainteté pour sa plus grande gloire, Lui qui vit et règne maintenant et pour les siècles des siècles. Amen.
[1] Cf. 1 Jn 1, 1…
[2] Cf. Contemplari et contemplata aliis tradere