Jubilé d’argent du Tribunal Ecclésiastique de Cotonou
Dimanche 22 novembre 2020.
Solennité du Christ Roi de l’univers.
Jubilé d’argent du Tribunal Ecclésiastique de Cotonou
Chers frères et sœurs en Christ,
En cette solennité du Christ, Roi de l’univers, je me réjouis de venir à vous, en cette Paroisse-Cathédrale, pour rendre grâce au Seigneur avec vous, au terme de l’année liturgique : remettre au Seigneur tout don reçu de Lui et Lui confier la nouvelle année liturgique qui s’annonce. Je prie que le Christ-Roi vous accorde sa grâce et sa paix. Qu’Il comble chacune de vos familles de ses bienfaits et que son Règne s’établisse à jamais dans vos cœurs.
La solennité de ce jour nous donne également l’opportunité de célébrer le Jubilé d’argent du Tribunal Ecclésiastique de Première Instance de Cotonou. C’est pour moi l’heureuse occasion d’exprimer ma vive reconnaissance à l’équipe sacerdotale de la paroisse et aux membres du Tribunal ecclésiastique pour la préparation des festivités, pour l’organisation de cette célébration et pour les sacrifices consentis constamment dans le Champ du Seigneur. Dieu qui est riche en grâces et en miséricorde ne manquera pas de vous combler en abondance de ses bienfaits.
La fête du Christ Roi de l’univers, célébrée en ce 34ème dimanche du temps ordinaire a été instituée par le Pape Pie XI en 1925 afin de lutter contre les différentes formes de totalitarisme et d’affermir le peuple chrétien contre la montée de l’athéisme. La réforme liturgique initiée par la suite au concile Vatican II a fixé cette fête au dernier dimanche de l’année liturgique pour nous rendre attentifs au fait que l’histoire s’achèvera sur le règne éternel et définitif du Christ.
Le Règne du Christ constitue en effet le terminus ad quem, le terme vers lequel tend notre cheminement terrestre. Nous comprenons pourquoi dans sa lettre aux Corinthiens, saint Paul nous annonce en ce jour que : « tout sera achevé quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père ». C’est dire que notre vie humaine n’a de sens, elle ne peut prospérer que lorsqu’elle est placée sous le Règne de Dieu. Au cours de notre marche terrestre nous ne saurions oublier que nous tendons tous vers le Règne définitif du Christ et que c’est à Lui et Lui seul que nous devons tout soumettre.
Dans cette perspective, il est tout indiqué qu’en cette fin d’année liturgique, chacun de nous fasse un bilan pour apprécier le chemin parcouru avec le Seigneur afin de relancer sa vie spirituelle « sous la conduite de l’Esprit saint« . La nouvelle année liturgique commence dès le dimanche prochain. Comment avons-nous accueilli et célébré les sacrements en cette année qui s’achève ? En quoi notre vie chrétienne s’est-elle améliorée ? Quel accueil avons-nous réservé aux grâces de Dieu ? Quel accueil avons-nous réservé à sa Parole qui donne vie, une Parole qui nous nourrit et nous éclaire en toute circonstance ? En ce jour, cette Parole focalise particulièrement notre attention sur le Christ, Roi de l’univers, bon Berger qui aime, sert et prend soin de son Troupeau.
Dans la première lecture, l’oracle du prophète Ezéchiel décrit parfaitement cette royauté sous les traits de l’amour et du service. Dieu souffrait en effet de voir son peuple subir l’exile. De fait, ce peuple qui a du prix à ses yeux était dispersé dans les nations païennes et manquait de soins, faute de trouver de vrais chefs capables de s’occuper de lui de façon désintéressée. Le Seigneur décide alors de s’occuper personnellement de son peuple à l’image d’un berger qui se sacrifie pour ses brebis. « Voici que moi-même, [dit-il] je m’occuperai de mes brebis ».
L’attention que le Seigneur prévoit accorder à chaque brebis est minutieuse. Elle est décrite par ces mots : « La brebis perdue je la chercherai ; l’égarée, je la ramènerai. Celle qui est blessée, je la panserai. Celle qui est malade, je lui rendrai des forces. Celle qui est grasse et vigoureuse, je la garderai, je la ferai paître selon le droit ».
Si les contemporains du prophète Ezéchiel n’y ont vu qu’une annonce de l’édit de Cyrus, nous y percevons l’annonce anticipative des temps messianiques, avec l’avènement du Christ, Bon Berger qui va à la recherche de la brebis égarée (Cf. Mt 18, 12-14) jusqu’au don de sa vie. Autrement dit, c’est en Jésus-Christ que se réalise, l’accomplissement plénier de la prophétie d’Ezéchiel.
En effet, par une divine disposition, le prophète Ezéchiel révélait, plusieurs siècles auparavant, la royauté du Christ en utilisant la saisissante comparaison du soin méticuleux et continu du Berger pour ses brebis. Cette royauté n’a rien d’une puissance dominante ou d’une force écrasante. Elle est purement et simplement : amour, service et don total de soi.
Le Christ, Roi de l’univers, ne vient donc exercer sur nous un règne qui nous domine et nous écrase. Il préfère établir son règne en nous, en frappant à la porte de nos cœurs et en attendant patiemment que chacun de nous Lui ouvre. En ce jour, il importe de retenir précisément que le Christ n’est pas roi de l’univers par une puissance écrasante et déshumanisante, Il est Roi de l’univers parce qu’Il nous porte, Il nous supporte et nous pardonne.
Nous sommes pour notre part des privilégiés. Chacun de nous peut reprendre à son compte le psaume responsarial de ce jour pour apprécier au niveau de sa vie personnelle la teneur de ces paroles fortes : « Le Seigneur est mon berger, rien ne saurait me manquer ». Oui, nous sommes tous des bénéficiaires des soins du Seigneur, un Roi si prévenant qu’Il n’hésite pas à s’abaisser pour laver les pieds de ses disciples (Cf. Jn 13, 1-17). Il fait de nous ses fils. Il ne nous appelle plus serviteurs mais amis (Cf. Jn 15, 15).
Chers frères et sœurs, reconnaissons-le, cette amitié nous responsabilise et devrait nous déterminer à imiter le Christ. En cette année où nous réfléchissons sur notre sens de responsabilité dans l’Eglise sous la conduite de l’Esprit Saint, nous devons nous interroger sur comment notre imitation du Christ nous permet de le rendre réellement présent dans le monde et dans l’Eglise. Le nom de chrétien que nous portons ne devrait pas être purement figuratif : c’est à travers notre effort quotidien de nous conformer réellement au Christ – dans le vécu concret de l’Evangile – que nous pouvons le rendre présent au monde. Nous serions alors des chrétiens responsables, ceux à qui le Christ peut confier en toute confiance son Eglise.
L’évangile de ce jour nous motive davantage à l’imiter en prenant soin à notre tour de nos frères et sœurs. Donner à manger à un affamé, de l’eau à l’assoiffé, vêtir celui ou celle qui est nu(e), rendre visite au prisonnier et au malade constituent des actes d’un coût financier négligeable. Ils reçoivent pourtant la plus noble récompense parce qu’ils manifestent une ressemblance entre le Roi de l’univers qui s’occupe de chaque brebis et le disciple qui reste attentif aux besoins de ses frères et sœurs. Chaque geste d’attention à l’égard des plus petits provoque des torrents de joie dans le cœur de Dieu.
A la fin des temps, le Christ ne manquera pas de récompenser ceux qui dès le début ont accepté de l’imiter : ceux qui prennent soin des autres, ceux qui sont conscients de leurs misères et acceptent de devenir un soutien pour les autres, ceux qui entendent la voix des sans voix, ceux qui tendent la main pour aider les démunis, les oubliés de nos sociétés. C’est avec surprise qu’ils entendront le Christ leur dire : « Venez les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde ».
Oui, frères et sœurs, la page de l’évangile de ce jour nous interpelle vivement en ce sens que le Christ, Roi de l’univers ne récompense pas les discours superficiellement compatissants et sans actes concrets. Jésus ne nous demande pas de nourrir et d’abreuver tous les affamés et les assoiffés du monde. Il ne demande pas de libérer tous les prisonniers ou de guérir beaucoup de malades. Il espère de nous, jour après jour des petits gestes et actes d’amitié qui traduisent notre attention aux autres, notamment les plus petits, les oubliés de notre monde.
Il attend de nous des actes d’humble bonté. Il s’agit de donner à manger à un affamé, de donner à boire à un assoiffé, de vêtir ceux qui sont nus, de rendre visite aux prisonniers et aux malades. Le Christ s’identifie Lui-même à ces personnes : « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ».
Quand on a compris à partir des textes de ce jour, comment le Christ, Roi de l’univers est le bon Berger attentionné et prévenant, on peut se demander comment il se fait qu’Il existe des hommes condamnés aux peines éternelles. Il est juste de remarquer, à partir de la page d’évangile de ce jour que le feu éternel n’a pas été prévu pour les hommes. A ceux qui sont à sa gauche, le Roi dit : « Allez-vous en loin de moi maudits, dans le feu éternel préparé pour le démon et ses anges ». Le feu éternel n’est pas destiné aux hommes, il est plutôt préparé pour le démon et ses anges. Les hommes peuvent néanmoins s’y retrouver s’ils cultivent l’indifférence, l’égoïsme, l’orgueil, la méchanceté, bref toute attitude qui les amène à pactiser avec le Mal, le démon.
La méditation sur la page d’évangile de ce jour révèle aussi que le Christ ne condamne pas, Il exerce sur nous un discernement. Au jugement dernier, seuls l’attitude personnelle, le comportement adopté sur cette terre, le manque d’amour envers Dieu et le prochain peuvent condamner un homme. Nous avons la possibilité de devenir de dignes princes et princesses du Royaume des cieux. Ne ratons pas l’opportunité qui nous est offerte. Que le Christ, Roi de l’Univers, nous donne la grâce d’œuvrer dès aujourd’hui à l’avènement de son Règne par une adhésion ferme à sa Parole et par des gestes concrets de compassion et d’amour.
Le Tribunal Ecclésiastique de Première Instance de Cotonou œuvre pour qu’advienne ce règne depuis 25 ans. En célébrant en ce jour, le jubilé d’argent de cette institution, je confie au Seigneur tous les pionniers qui ont initié et soutenu le projet. Mgr Isidore de SOUZA l’a porté sur les fonds baptismaux le mardi 21 novembre 1995. Il l’a confié aux soins du Père Eugène HOUNDEKON, alors official, aujourd’hui évêque d’Abomey. Je remercie tous les acteurs du passé, ceux cités et les nombreux autres que je n’ai pu nommer. Je renouvelle ma confiance à tous les collaborateurs du présent qui se donnent pour que l’institution tienne, pour qu’elle grandisse et accomplisse sa vocation.
Le salut des âmes, les soins minutieux et prévenants à apporter aux plus petits, tel que nous l’enseignent les pages de l’Ecriture de ce jour, voilà ce qui constitue l’objectif principal et la raison d’être même du Tribunal ecclésiastique ainsi que de toute institution ecclésiale. Il me paraît évident que le défi majeur du Tribunal de Cotonou, c’est de répondre à cet objectif par un discernement judicieux de tous les cas selon le modèle que nous présente le Christ Roi de l’univers. Les décisions du Tribunal seront toujours plus nobles si elles tiennent plus du discernement que du jugement humain. Elles pourront s’appliquer pastoralement et aider à l’édification du Royaume des cieux.
Puisse la célébration des noces d’argent du Tribunal nous déterminer à poursuivre l’édification du Règne de Dieu. Que par l’intercession de Marie, Notre Dame de Miséricorde, l’institution grandisse et devienne un véritable instrument de grâces pour les frères et sœurs dont nous avons la charge. Puisse le Seigneur nous en accorder la grâce, Lui qui vit et règne maintenant et pour les siècles des siècles. Amen.