HOMÉLIE MESSE CHRISMALE 2021

MERCREDI 31 MARS 2021.

 MESSE CHRISMALE AU SANCTUAIRE MARIAL D’ALLADA.

Homélie 31.03.2021 de Mgr Roger Houngbedji à la messe Chrismale_-

Chers confrères dans le sacerdoce,

Chers frères et sœurs en Christ,

Nous voici rassemblés de nouveau en ce Sanctuaire marial d’Allada pour la messe chrismale réunissant tout le presbyterium et le peuple chrétien de notre Archidiocèse. C’est pour moi l’occasion de souhaiter une fructueuse célébration à tous, notamment en ces jours saints où nous sommes appelés à méditer sur le grand mystère de notre Rédemption, à travers la Passion, la mort et la résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ.

Le fait de pouvoir célébrer cette messe chrismale en pleine Semaine Sainte cette année est une action de grâce. L’année dernière nous n’avons pas pu le faire, compte tenu de la pandémie du coronavirus et de la clôture des lieux de culte intervenue plus tôt. Cette année, nous bénissons le Seigneur pour sa clémence en notre faveur, du fait que nous puissions nous retrouver pour la célébration de ce Mercredi Saint. Nous continuons de solliciter instamment son assistance afin de trouver les voies et moyens nous permettant d’éradiquer ce mal de notre monde. Dans ce sens, nous sommes vivement invités à ne pas baisser la garde et à poursuivre nos efforts dans le strict respect des gestes barrières et le travail de sensibilisation et de conscientisation entrepris auprès du peuple chrétien dont nous avons la charge.

Je saisis l’occasion des retrouvailles de notre famille diocésaine pour présenter mes meilleurs vœux à tous les prêtres de notre diocèse qui célèbrent cette année leur anniversaire des 20 ans, 30 ans, 35 ans et 40 ans de sacerdoce. Puisse le Christ, « le témoin fidèle », « le Premier-né des morts » et « le Prince des rois de la terre » (Ap 1, 5) les bénir et rendre toujours fécond leur ministère. Une mention spéciale au 1er Vicaire Général (le Père Théophile Akoha) et au Père Fabrice Dafio qui célèbrent ce jour leur anniversaire de naissance. Que le Seigneur les comble de ses grâces en abondance en faisant d’eux de véritables amis de Dieu.

C’est pour moi l’occasion de féliciter et de remercier une fois encore tous les prêtres pour le beau travail qui s’effectue sans relâche dans le champ du Seigneur. Comme des pasteurs attentifs à la vie des brebis, vous vous donnez généreusement à la tâche en accordant au troupeau les soins nécessaires, dans un esprit de sacrifice et d’abnégation exemplaire.

Lors de ma récente visite pastorale dans certaines paroisses du diocèse, il est heureux d’entendre des fidèles dire de leur prêtre : « Nous vous prions, Monseigneur, de bien vouloir nous laisser ce prêtre pour 10 ans, 15 ans encore sur la paroisse. Autrement, son départ sera catastrophique pour la vie de la paroisse ». Cet attachement des fidèles à leur pasteur est un bon signe : il témoigne des bonnes appréciations sur la pastorale exercée en leur sein et de l’engagement sans fard du pasteur aux côtés des brebis qui lui sont confiées. Que ce serait beau de voir tous les prêtres du diocèse brûler du même zèle apostolique et du même souci pastoral vis-à-vis de leurs fidèles !

C’est dire combien grandes sont les attentes du peuple de Dieu vis-à-vis de leurs pasteurs. Ce jour consacré au renouvellement des promesses sacerdotales est pour nous l’occasion de redécouvrir à nouveaux frais le sens de notre vocation sacerdotale et de notre mission dans l’Église. Pour revisiter ce sens, je nous invite à nous mettre à l’écoute des textes liturgiques proposés aujourd’hui à notre méditation. Que nous suggèrent ces textes à propos de notre identité de prêtre ?

La première chose que nous révèlent ces textes à propos de notre vocation presbytérale est son caractère sacré, son lien indissoluble avec l’Esprit Saint. En tant que prêtres, nous sommes en effet d’abord et avant tout configurés au Christ, lequel est présenté par Luc comme Celui sur qui repose l’Esprit Saint du fait d’avoir été consacré par l’onction : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction ».

Autrement dit, l’onction reçue lors de l’ordination presbytérale est la marque de l’Esprit Saint, signe tangible qui fait du prêtre non seulement un Alter Christus (un autre Christ) mais aussi un Ipse Christus (le même Christ). De par son ordination (lieu de sa consécration), le prêtre ne reçoit donc pas n’importe quel Esprit : il reçoit l’Esprit de Dieu qui fait de lui un mis-à-part, un homme entièrement consacré à Dieu.

C’est dire qu’on ne saurait être prêtre, animé de l’Esprit de Dieu, et continuer d’être guidé par l’esprit du monde. Souvent nous nous présentons comme des prêtres mais notre vie concrète ne reflète pas ce que nous prétendons être : nous nous comportons comme des gens du monde, ce qui nous met entièrement en déphasage par rapport à notre idéal et aux attentes du peuple de Dieu. C’est dire que nous ne prenons pas toujours toute la mesure de notre consécration, les liens particuliers qui nous lient à Dieu de par notre consécration.

Les prêtres qui se comportent comme les gens du monde – pour ce qui est de l’attrait aux choses matérielles, à l’argent, au sexe, au pouvoir, aux plaisirs – constituent un danger pour l’Église et la société. Les fidèles du Christ attendent plutôt d’eux qu’ils soient de véritables ponts (dans le sens de pontifex), c’est-à-dire ceux qui par leur service fraie des chemins/voies vers Dieu. Comme pasteurs, ils doivent pouvoir conduire les brebis vers les verts pâturages, c’est-à-dire vers la nourriture qui donne aux brebis la vie en plénitude.

Lorsque nous avons choisi cette année de vivre « sous la conduite de l’Esprit Saint », c’est pour que nous puissions prendre conscience de cette force (dúnamis), cette Puissance de Dieu qui nous habite et qui nous permet d’accomplir des choses extraordinaires, des merveilles qui dépassent l’entendement de l’homme. Sommes-nous toujours conscients de la présence de cette force de Dieu en nous ? Sommes-nous en mesure de la laisser envahir complètement notre vie, de façon à pouvoir nous laisser embraser par elle et participer nous aussi au renouvellement de la terre ? Puissions-nous manifester notre docilité au souffle de l’Esprit Saint pour répondre véritablement aux attentes de notre peuple.

La deuxième chose que nous font découvrir les textes du jour par rapport à notre identité de prêtre est notre mission principale qui consiste à l’annonce de la Bonne Nouvelle : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur ».

Autrement dit, par l’annonce de la Parole de Dieu, le prêtre, intimement lié au Christ (auquel il est configuré) doit pouvoir annoncer un message qui soit bonne nouvelle à toutes les catégories de personnes auxquelles il est envoyé. Ces personnes souffrent de différentes détresses telles que : la pauvreté matérielle, l’emprisonnement, l’aveuglement, des oppressions de toutes sortes, une année marquée de mauvaises nouvelles. Face à ces misères, la mission du prêtre consiste principalement à annoncer une parole de consolation, de réconfort, de soulagement et de guérison. La parole qu’il annonce doit pouvoir en effet guérir les cœurs brisés, redonner courage à ceux qui désespèrent et insuffler un nouveau souffle à ceux qui peinent à se mettre debout et à prendre leur destinée en main.

C’est dire qu’on ne saurait être prêtre et porteur d’une mauvaise nouvelle par une parole qui divise, qui pousse à la violence, qui blesse la fraternité, qui dénigre le confrère auprès de tierces personnes ou qui humilie publiquement les âmes dont on a la charge. Les indiscrétions, les rumeurs (le fait d’entretenir de fausses rumeurs), voilà ce qui envenime la vie fraternelle et met en danger les relations interpersonnelles. En tant que prêtres, nous devons veiller à ce que les paroles qui sortent de nos lèvres ne deviennent de mauvaises nouvelles qui empoisonnent la communion fraternelle.

En cette période délicate que traverse notre pays, j’insiste sur l’importance de ne prêcher que la Parole de Dieu. Nous devons éviter à tout prix de prendre fait et cause pour l’un ou l’autre camp politique. Notre prédication doit pouvoir concilier les esprits et réconcilier les cœurs. Elle devra toujours tendre à éclairer les consciences sur le bien commun à construire et sur le respect de la dignité humaine, dans l’amour et la vérité.

Mais pour réussir à faire entendre la Parole de Dieu dans toute sa richesse et pertinence, il nous faut être de vrais témoins du Christ. C’est le troisième point de notre méditation. Dans la deuxième lecture tirée du Livre de l’Apocalypse, saint Jean présente en effet Jésus comme « le témoin fidèle ». En quoi consiste la fidélité de son témoignage ? Selon l’apôtre, elle consiste principalement à nous délivrer de nos péchés par l’offrande de sa propre vie, de façon à faire de nous « un royaume et des prêtres pour son Dieu et Père ». Le vrai témoin est donc celui qui, à l’exemple du Christ, accepte de sacrifier sa vie, de façon à ce que les autres puissent être constitués en un royaume de prêtres, à la gloire de Dieu le Père.

La mission du prêtre, à travers les trois fonctions d’enseignement, de sanctification et de gouvernement vise principalement à faire de lui un véritable témoin du Christ. Ainsi, chaque fois que le prêtre prononce à l’autel « Ceci est mon corps », « Ceci est mon sang », il réactualise le sacrifice du Christ en s’offrant lui-même à Dieu le Père et en participant à la sanctification, voire au salut des hommes. C’est donc en étant intimement lié au Christ, « Premier-né des morts » et « Prince des rois de la terre » que le prêtre devient lui aussi témoin du Christ.

Ce témoignage exige que nous puissions vivre en communion avec le Christ dans une vie de prière constante. En tant que prêtre (ɖɛvíɖɛnɔ), notre vie sacerdotale ne saurait en effet se séparer de la prière : c’est elle qui irrigue notre vie de chaque jour et nous permet de rester en permanence en communion avec le Christ. De fait, sans la prière, notre vie de prêtre tombe en ruine et nous constituons un terrain favorable au déploiement de toutes les tentations du monde, ce qui à la longue finit par faire perdre en nous le goût et la beauté du sacerdoce.

Au lieu d’être témoins du Christ, nous devenons alors des lieux de scandale par nos contre-témoignages. Or, comme le fait remarquer le Christ pour celui qui est cause de scandale : « Mieux vaudrait pour lui se voir passer autour du cou une pierre à moudre et être jeté à la mer que de scandaliser un seul de ces petits » (Lc 17, 1). Dieu nous en garde, qu’il n’en soit jamais ainsi pour aucun d’entre nous !

En ces jours saints qui nous permettent de méditer sur le grand mystère de notre Rédemption, puissions-nous porter nos regards sur le Christ, Lui, le témoin fidèle ! Et revenons aux fondamentaux de nos engagements sacerdotaux afin de redonner un souffle nouveau à notre vie de prêtre en vue d’un témoignage reluisant qui nous permette de gagner des âmes au Christ et de contribuer ainsi à la croissance de son Règne.

Et vous tous, religieux, religieuses et fidèles laïcs qui venez prendre part à cette célébration aux côtés de vos prêtres, je vous demande de bien vouloir nous porter dans vos prières. Oui, priez pour nous afin que nous soyons des témoins fidèles dans la mission d’annonce de la Bonne Nouvelle que nous assumons auprès de vous.

Que par l’intercession de la Vierge Marie et de saint Joseph (que nous invoquons spécialement cette année), Dieu nous en accorde tous la grâce, Lui qui vit et règne maintenant et dans les siècles des siècles. Amen !