Homélie 10 ans de Godomey Gare
13 octobre 2024 : 10 ans de Godomey Gare
Textes : Sg 7, 7-11 ; Ps 89 (90), 12-13, 14-15, 16-17; He 4, 12-13; Mc 10, 17-30
Chers frères et sœurs,
Nous voici rassemblés dans la joie, afin de célébrer Dieu pour les dix ans de création de votre paroisse. Bonne fête à chacun et à tous ! Et que les grâces de cette fête retombent sur chacun de vous.
Je suis venu ici ce matin non seulement pour fêter, moi aussi avec vous, mais aussi et surtout pour vous confirmer dans la foi, car la célébration de votre dixième anniversaire n’est pas seulement une occasion de fête, mais aussi et surtout de méditation et de réflexion. Une décennie se referme, une autre s’ouvre. L’essentiel, ce n’est pas seulement que dans dix ans, on trouve ici une plus belle église et plus de bâtiments, mais que la communauté grandisse en quantité et surtout en qualité. Alors, quelle part chacun de vous entend prendre dans la croissance de la paroisse, dans la réalisation de votre plan pastoral paroissial, en communion avec la planification diocésaine ? Un anniversaire c’est aussi cela : faire une pause en vue d’un bilan et d’une prospective.
En ce sens, je vous invite à regarder le passé avec gratitude et le futur avec confiance. Regardez aujourd’hui votre histoire avec gratitude et reconnaissez que le Seigneur vous a guidés tel qu’il l’a voulu, pas à pas jusqu’à la création de votre paroisse et aujourd’hui vous avez dix ans ! Rendez grâce à Dieu pour tous les progrès accomplis, implorez son pardon pour ce qui aurait pu être meilleur, et surtout, prenez l’engagement de redoubler d’ardeur pour les prochaines années.
L’évangile d’aujourd’hui vous interpelle justement sur la qualité de votre engagement à la suite du Christ. Le texte en effet met en scène un homme qui tombe à genoux aux pieds de Jésus et l’interroge. Cet homme surgi de nulle part est déjà la figure du croyant qui prend conscience qu’il a besoin d’une plénitude de vie, qu’il doit avancer dans sa foi, qu’il doit passer d’une foi cachée et superficielle à une vie de vraie intimité avec le Christ et d’engagement pour sa communauté. Plaise à Dieu que le même désir du ciel nous habite nous aussi ! Et vous, qui célébrez aujourd’hui l’anniversaire de votre paroisse, à quels efforts personnels et communautaires le Seigneur vous invite-t-il ? A partir des textes de ce jour, je vous indique trois attitudes fondamentales.
La première attitude, c’est de mettre la Parole de Dieu au cœur de votre vie personnelle et communautaire. Une vraie paroisse, c’est une communauté, une famille rassemblée et nourrie par l’écoute de la Parole et la célébration des sacrements. Sur le plan de la célébration des sacrements, nous excellons peut-être et je vous en félicite. Mais qu’en est-il de la Parole de Dieu ? Quel est votre rapport à la Parole de Dieu ?
En ce sens, la deuxième lecture tirée de la lettre aux Hébreux nous interpelle sur la puissance de la Parole de Dieu : « elle est vivante, la parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants ; elle va jusqu’au point de partage de l’âme et de l’esprit, des jointures et des moelles ; elle juge des intentions et des pensées du cœur. » Cette parole non seulement nous nourrit, mais devient la lumière de notre vie et de notre conscience. Jésus lui-même devant le tentateur, n’a-t-il pas trouvé refuge dans la Parole ? Les disciples d’Emmaüs, n’est-ce pas par sa Parole que le Christ a réchauffé leurs cœurs et ouvert leurs esprits au mystère de sa personne ? Alors chrétien, comment veux-tu mener une vie conforme au Christ et témoigner de lui, si tu ne te nourris pas de sa Parole au quotidien ? Et pourtant, aujourd’hui, nous avons toutes les facilités pour avoir la Bible toujours à portée main : sur les smartphones, les tablettes, l’ordinateur ou même en format audio pour ceux qui ne peuvent pas lire. J’encourage donc vivement l’écoute et la méditation quotidiennes – je ne dis pas seulement régulières mais quotidiennes – de la Parole de Dieu en famille, en paroisse et dans les CEB.
La deuxième attitude fondamentale pour être une véritable communauté paroissiale, c’est de prendre constamment le chemin de la conversion authentique. En répondant à la préoccupation de l’homme dans l’évangile, Jésus réaffirme le lien entre les commandements et la vie éternelle : « Tu connais les commandements : Ne commets pas de meurtre, ne commets pas d’adultère, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère. » Tout cela, c’est le strict minimum pour se déclarer candidat au Royaume. Et pourtant, déjà sur cette petite liste fournie par Jésus, est-ce que vraiment notre conscience n’a rien à nous reprocher ? Alors n’est-il pas temps de devenir des hommes et femmes renouvelés par une conversion radicale pour suivre Jésus ?
C’est précisément ici que commence tout le drame. Ici s’ouvre une situation dans laquelle il convient de dire plutôt que Dieu propose et l’homme dispose. L’homme anonyme de l’évangile a la claire vision de ce qu’il devrait faire, et pourtant son cœur n’arrive pas à opérer le choix que lui dicte sa conscience. Lui qui était venu en courant, repart tout triste, conscient d’avoir raté la grâce, mais incapable pour l’instant de renoncer à ses richesses. Le vrai danger, ce n’est pas quand nous possédons des richesses ; mais c’est quand les richesses nous possèdent. C’était le cas de cet homme.
Tous, nous connaissons un peu la tristesse de cet homme. C’est la tristesse de l’égoïsme, de l’orgueil de l’homme enivré par le succès, aveuglé pour l’amour de la richesse et la recherche des plaisirs mondains au point d’être écartelé entre les satisfactions éphémères et illusoires du monde et l’appel à la conversion. C’est la tristesse de l’homme qui voudrait retrouver son chemin de foi, mais qui n’arrive pas à s’arracher à son péché pour régulariser sa situation. C’est le drame de celui-là qui désire être un bon chrétien, dévoué et assidu, mais qui ne cesse de remettre son engagement à demain, ou bien attend la vieillesse comme s’il savait le jour et l’heure. Le matériel peut devenir une prison !
Ainsi, si quelqu’un a envie de dire « ceci est à moi », qu’il ait la sagesse d’ajouter : « pour un peu de temps ». Mais allons-nous vraiment sacrifier ce qui est éternel pour préserver ce qui est éphémère ? Ne devons-nous pas enseigner aux plus jeunes que le vrai bonheur ne consiste pas en la possibilité de satisfaire ses moindres caprices, mais dans la joie de partager le peu que nous avons avec ceux qui en ont moins ? En un mot, n’est-il pas temps de devenir des hommes nouveaux sous le regard du Christ ? Comme nous le chantons, « n’aie pas peur, laisse-toi regarder par le Christ car il t’aime ». Le regard de Jésus ici comme celui jeté sur Pierre après son reniement (Lc 22,61) est un regard qui va au plus profond de l’âme : sans juger ni condamner il invite à la conversion radicale. Alors chers chrétiens de Godomey Gare, que le Seigneur vous donne la grâce d’une conversion constante pour que votre paroisse rayonne davantage.
Enfin, la troisième attitude, c’est l’effort d’être une véritable famille paroissiale unie par la foi et la charité. Après la défection de l’homme riche, Pierre dit à Jésus : « Voici que nous, nous avons tout quitté pour te suivre ». Cette expression « nous » manifeste la conscience des disciples d’être un groupe distinct réuni autour de Jésus. Eux, en effet, à la différence de l’homme riche, avaient tout laissé, filets, activités, revenus, parents et amis pour suivre Jésus. Ils étaient devenus sa vraie famille : « Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la gardent » (Lc 8, 21).
Chers chrétiens, en érigeant une paroisse, l’intention de l’évêque n’est jamais simplement de procéder à un découpage territorial pour faciliter l’administration. Cela n’est qu’une dimension. L’intention de l’évêque en érigeant une paroisse, c’est justement de constituer une communauté soudée, un pôle de rayonnement de la foi, une famille unie autour de la Parole et des sacrements. Ce n’est pas du tout la même démarche qu’ouvrir un centre de santé de proximité par exemple, pour faciliter l’accès aux prestations de service. Une paroisse n’est pas un lieu de prestation de services religieux !
Voilà pourquoi, ce que je veux dire ce matin, c’est à chacun personnellement que je veux le dire : qu’aucun parmi vous ne se comporte comme un simple figurant dans la paroisse. Que chacun prenne plutôt une part active dans la vie de la paroisse. Permettez-moi d’insister : qu’aucun de vous ne soit un simple figurant, qui se rend à l’Eglise comme on se rendrait dans une administration pour recevoir des prestations de service. Ce ne serait plus une paroisse catholique. En effet, il y a des chrétiens très assidus à la messe, mais qui ne se sentent nullement concernés par la vie de leur paroisse. Il ne doit pas en être ainsi.
C’est une préoccupation qui me tient à cœur, et c’est dans ce sens que dès le début de mon ministère épiscopal à Cotonou, j’ai lancé notre Plan d’Action Pastorale pour que tous, absolument tous, se sentent directement concernés et impliqués de façon synodale dans la vie de l’Eglise. Car le diocèse de Cotonou, ce n’est pas moi ; la paroisse de Godomey, ce n’est pas votre curé : c’est nous tous ensemble qui formons l’Eglise du Christ.
Soyez donc une famille paroissiale unie autour du Christ sous la conduite de vos prêtres. Et les CEB sont justement installées pour favoriser cette cohésion. Participez activement à la vie de vos CEB et vous serez une communauté enracinée dans la charité comme l’indique le nom de votre paroisse (Notre-Dame de charité). J’espère pouvoir décerner bientôt à votre paroisse le prix de la communauté la plus soudée et la plus active dans la charité ! Soyez alors une communauté où toute personne peut aller frapper sans crainte à la porte de son frère chrétien pour demander un conseil, demander de l’aide. L’inverse est encore plus beau : soyez une communauté où spontanément, on va frapper à la porte de l’autre pour lui proposer de l’aide, lui donner des conseils, le soutenir. Qu’on ne trouve personne, même pas parmi les non chrétiens, qui souffre dans la silence, sans que les chrétiens aillent frapper à sa porte pour lui porter la charité du Christ. Si nous avons vraiment tout quitté, c’est ainsi qu’il nous convient de suivre le Christ.
Qu’à la prière de Marie notre Mère, le Seigneur vous donne la grâce de vous enraciner davantage dans sa Parole, de persévérer dans la conversion et d’en témoigner par votre unité dans la charité pour sa plus grande gloire, Lui qui vit et règne pour les siècles des siècles. Amen.