Homélie Ouverture de l’année pastorale

12 Octobre 2024 : Ouverture de l’année pastorale

Textes du jour : Ga 3, 22-29 ; Ps 104 (105) ; Lc 11, 27-28

 

Chers frères et sœurs,

Toutes les composantes de notre archidiocèse sont heureuses de se retrouver sur cette paroisse Saint Gabriel de Cococodji pour le lancement de l’année pastorale 2024-2025. Nous bénissons le Seigneur qui ne cesse de convoquer son peuple pour devenir une Eglise-Famille de Dieu à l’écoute de sa Parole, animée d’une foi authentique, active dans la charité et témoin de l’espérance.

Au nom de toutes les délégations ici présentes et en mon nom personnel, je salue et remercie le curé de cette paroisse (Père Damien OGUE) et toute l’équipe sacerdotale. Je salue les membres des conseils ainsi que les groupes et diverses associations de la paroisse. Merci pour l’accueil chaleureux et pour toutes les dispositions pratiques mises en œuvre pour la rencontre et la célébration eucharistique de ce matin. Puisse le Seigneur vous combler de ses grâces et faire resplendir davantage sur notre diocèse, tout au long de cette nouvelle année, la clarté lumineuse de son visage.

Toute la matinée, nous avons réfléchi, médité et échangé sur le thème de cette année pastorale : « Eglise-Famille de Dieu à Cotonou, marchons dans l’espérance et sauvegardons la Création » (Gn 2,15). En tant que peuple de Dieu enraciné dans la foi au Christ, nous ne saurions ne pas marcher dans l’espérance ; et la sauvegarde de la création n’est pas un simple combat pour l’écologie : c’est une réponse de foi concrète au mandat divin exprimé en Genèse 2,15. La foi est donc primordiale dans notre engagement, car c’est elle qui fonde notre détermination à marcher vers le Royaume.

On comprend alors pourquoi dans l’évangile de ce jour, Jésus situe le vrai bonheur, non pas dans le rapport de consanguinité, mais plutôt dans la foi de sa mère : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui la gardent. » Luc reprend et confirme ici au chapitre 11, une parole de Jésus déjà rapportée au chapitre 8 (vv. 19-22) : « Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique ». Que signifient alors ces paroles de Jésus reprises par Luc avec tant d’insistance ?

L’évangile d’aujourd’hui se situe dans le contexte d’une série d’enseignements de Jésus, où on signalait déjà l’admiration d’une foule et les doutes de quelques uns devant l’expulsion d’un démon. Le texte extrait une femme anonyme de la foule et la place en dialogue avec Jésus.[1] La femme emploie une image assez littérale de la maternité en disant : « heureuses les entrailles qui t’ont porté, les seins qui t’ont nourri », proclamant bienheureuse la Mère de Jésus, celle qui avait gardé en elle Jésus et l’avait nourri. Jésus à son tour, prend la femme au mot, mais situe le bonheur plutôt dans le fait de se nourrir de la Parole et de la garder.

Certains commentateurs ont vu à tort dans ce passage, une remise en cause de l’honneur dû à Marie. Et pourtant, il suffirait de lire chez le même Luc (Lc 1,45) ces paroles : « Bienheureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur » pour percevoir le lien entre les deux béatitudes. Toutefois, la présente béatitude ne se limite pas à confirmer le statut privilégié de Marie en raison de sa docilité à la Parole. Elle constitue plutôt une pressante invitation à tous, à écouter et à observer la parole de Dieu comme Marie. Et nous frères et sœurs, réunis pour lancer notre année pastorale, quel message le Seigneur veut-il nous adresser à travers cette Parole ? Comment pourrons-nous, en partant de la Parole proclamée, nous rendre totalement disponibles à l’action de la grâce pour qu’elle nous meuve, nous fortifie davantage, nous pousse et nous accompagne tout au long de cette année ? Je vous propose trois repères tirés des textes du jour.

Le premier repère, c’est de nous libérer de tous les lieux d’enfermement où la foi est tenue captive de nos considérations humaines. S’adressant avec un brûlant souci aux Galates – qui de la Foi étaient tentés de repasser sous le joug de la Loi – Paul rappelle ceci : « Avant que vienne la foi en Jésus Christ, nous étions des prisonniers, enfermés sous la domination de la Loi… Ainsi, la Loi, comme un guide, nous a menés jusqu’au Christ pour que nous obtenions de la foi la justification. Et maintenant que la foi est venue, nous ne sommes plus soumis à ce guide. »

Oui frères et sœurs, comment percevons-nous la Loi de Dieu et celle de l’Eglise ? Ne la voyons-nous pas souvent comme  une ensemble de normes rigides qui s’imposent à nous du haut et restreignent notre liberté ? Sinon comment comprendre certaines attitudes si peu cohérentes avec la vie de foi ? Comment comprendre par exemple qu’on déforme la vérité dans le but d’accéder à un sacrement, recherchant ainsi une grâce au moyen d’un mensonge ? Comment comprendre qu’on vienne proposer de l’argent au prêtre pour faire célébrer une messe corps présent pour quelqu’un qui ne s’était nullement attaché au Christ ? Dieu seul sait tout ce que contiennent certains cercueils apportés à l’Eglise… Et que dire de ces chrétiens qui se soumettent encore par peur ou par conviction à des rituels non chrétiens, ou qui détiennent sous leur lit des accessoires douteux qu’on s’empresse de cacher quand le curé annonce une visite à la maison ? Et on pourrait multiplier les exemples. Alors, nous agents pastoraux dans un tel contexte, comment pouvons-nous aider nos frères et sœurs à opérer le passage à la Liberté de la foi dans le Christ ?

Pour faire une comparaison, la Loi est comme une notice ou un guide d’utilisation auquel on se conforme scrupuleusement quand on acquiert un nouveau produit. Et quand on a suffisamment maîtrisé le mode d’emploi, notre connaissance du produit dépasse désormais l’introduction contenue dans le guide qui alors cesse d’avoir la même utilité.

De même, la Loi appartient à une pédagogie divine qui nous a conduits à la foi en Jésus en qui nous sommes justifiés. Désormais, il est inutile d’observer des lois de façon superficielle si nous ne vivons pas dans la vérité et la liberté de la foi. De même nos croyances ancestrales étaient un chemin pour nous conduire à la Lumière qu’est le Christ. Désormais, notre rencontre avec le Christ nous porte au-delà de la Loi, au-delà des croyances ancestrales, si bien que notre amour pour le Christ devient maintenant l’unique boussole de nos actions. Travaillons donc à grandir dans l’amour du Christ, afin que nos efforts de vie chrétienne trouvent leurs motivations dans cet amour. Je désire ardemment que ce ne soit plus la préoccupation de signer le livret qui nous porte à la confession pascale, mais l’amour du Christ. Que ce ne soit plus la recherche du cachet dans notre livret ni la peur d’être privé des funérailles chrétiennes qui nous fassent payer le denier de culte, mais le désir d’apporter notre contribution à la vie de l’Eglise. Que le Seigneur nous aide donc à ne pas tenir sa grâce captive de nos calculs humains.

Le deuxième repère, c’est que la foi au Christ nous renouvelle pour renouveler le monde. S’adressant aux Galates et à nous aussi, Paul dit : « vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ. » Il ne s’agit pas de revêtir le Christ comme un habit qu’on peut ôter et remettre au gré des circonstances. Il s’agit plutôt de notre configuration au Christ, en vertu de laquelle le Christ vit en nous et nous avons la responsabilité de le porter au monde. La mission de l’Eglise, c’est de porter le Christ au monde, faire des disciples en enseignant à tous comment écouter et garder la Parole. Nos activités sociales ne sont que des expressions concrètes de cette mission d’annoncer la Parole. En ce sens, notre Plan Stratégique qui, je le rappelle avec insistance, est et demeure un outil au service de l’Action Pastorale, n’a d’autre vocation que celle-là : coaliser nos forces, mettre en commun nos idées et nos ressources pour porter la Parole toujours plus loin, plus vite et plus efficacement pour transformer le monde.

Sur notre vocation à transformer le monde, je voudrais nous rappeler ces paroles de la lettre à Diognète : « Les chrétiens sont dans la chair, mais ils ne vivent pas selon la chair. Ils passent leur vie sur la terre, mais ils sont citoyens du ciel. Ils obéissent aux lois établies, et leur manière de vivre est plus parfaite que les lois… En un mot, ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde. » Que le Seigneur fasse de nous de tels chrétiens dans notre diocèse et dans le monde entier.

Enfin, le troisième repère, c’est que la foi nous unit et fait de nous des frères et sœurs de tous : Fratelli tutti comme nous le rappelle le pape François. L’unité à laquelle nous sommes appelés dans l’Eglise n’est nullement un simple effort humain de cohésion et d’harmonie. Elle ne vient pas d’abord de nous, mais trouve son origine en Dieu Lui-même : « qu’ils soient un comme nous sommes un : moi en eux, et toi en moi » (Jn 17,22-23a). Et Saint Paul nous enseigne que nous tous que le baptême a unis au Christ, nous ne faisons plus qu’un dans le Christ. L’exigence de communion fraternelle n’est donc pas une option facultative : elle est constitutive de l’identité chrétienne, conséquence logique de l’écoute de la Parole qui nous transforme en famille du Christ.

C’est là tout le sens de nos CEB : des communautés à taille humaine où tous se connaissent, vivent la charité concrète et partagent la Parole. Les CEB ne sont donc pas des mouvements dans la paroisse, mais la paroisse en mouvement pour mieux vivre l’écoute de la Parole et la charité active.

Pour conclure cette méditation, je veux adresser une parole de félicitation et d’encouragement à tous mes prêtres. Chers confrères, je vous félicite et vous remercie pour vos efforts dont Dieu connaît la valeur. Continuez à prêcher à temps et à contre-temps la Parole et à animer la vie de charité. Soyez attentifs à vous nourrir vous-même quotidiennement de la Parole, à la confirmer par votre vie et à la partager avec vos frères et sœurs. La force du Christ ne vous fera jamais défaut.

A vous, frères et sœurs de vie consacrée, je dis également ma gratitude pour votre apostolat. Soyez l’évangile en acte et ne manquez aucune occasion d’annoncer la Parole. Que toutes vos activités, au nom de l’unité, ne manquent jamais de converger vers le bien de notre Diocèse : c’est ainsi que vous pourrez contribuer pleinement  au bien de tous.

A vous catéchistes, agents pastoraux, membres des divers groupes et associations, je demande de persévérer dans l’écoute et la mise en pratique de la Parole. M’adressant aux familles, je vous encourage à prier ensemble, à lire et méditer la Parole à la maison et dans votre CEB, à être présence du Christ et de l’Eglise dans vos différents milieux de vie et de travail. La qualité d’une vie chrétienne sérieuse dépend de votre relation personnelle avec le Christ à travers la Parole et les sacrements.

Qu’à l’intercession de Marie, celle qui a cru à la Parole qui lui fut dite, et de Saint Gabriel patron de cette paroisse, la force de Dieu nous habite et nous accompagne pour une année pastorale féconde et fructueuse sous le regard du Christ, Lui qui vit et règne, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen.

[1] Contrairement au chapitre 8, ici, Luc ne rapport aucune visite de la famille de Jésus qui demande à le voir.