DIMANCHE DE LA RESURRECTION DU SEIGNEUR 2020
12 avril 2020.
DIMANCHE DE LA RÉSURRECTION DU SEIGNEUR.
NB : 2ème lecture : Colossiens 3, 1-4.
Chers frères et sœurs dans le Christ,
Depuis cette nuit très sainte, tout le peuple des baptisés célèbre avec une grande joie la résurrection du Christ. Une fois encore, je vous souhaite une bonne et sanctifiante fête de Pâques ! Il est vrai que les portes de nos maisons et de nos églises sont fermées, en raison de la pandémie du coronavirus. Daigne le Ressuscité hâter la fin de cette pandémie, et soulager toutes les personnes touchées.
La résurrection du Christ est l’élément central et fondateur de notre foi chrétienne. Et pourtant, tout commence simplement par ce qui ressemble à un fait divers : la découverte du tombeau vide, preuve contestée, mais digne de foi pour nous les croyants. Selon qu’on passe d’un évangile à un autre, les récits de la résurrection divergent, car chacun raconte l’événement selon ses souvenirs et selon la manière dont il en a été marqué. Mais si la résurrection était une affabulation montée de toutes pièces, les évangélistes ne se seraient-ils pas entendus pour servir une version uniforme ? En ce sens, on peut affirmer que même la divergence des récits évangéliques constitue une preuve de la résurrection. Mais en plus des apparitions du Ressuscité et des différents témoignages, c’est Dieu lui-même qui va révéler ce mystère. A la lumière des textes de ce jour, que pourrions-nous retenir pour entrer plus profondément dans l’intelligence du mystère célébré ? Trois points majeurs méritent d’être soulignés.
* Le premier point : c’est Dieu lui-même qui accomplit et révèle la résurrection du Christ. Dans la première lecture, Pierre affirme : « Dieu l’a ressuscité… il nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner que lui-même l’a établi juge des vivants et des morts ». Oui, c’est Dieu le Père qui accomplit « l’œuvre » de ressusciter son Fils et de le glorifier. L’exaltation du Christ est la double réponse du Père à son abaissement volontaire et à son obéissance. Car il fallait une réponse du Père à l’abaissement du Fils. C’est pourquoi Dieu l’a exalté[1].
Il faut donc distinguer la résurrection de Jésus de celle des autres personnages bibliques revenus à la vie, comme Lazare par exemple. Ceux-ci ne sont revenus qu’à une simple vie biologique, et avaient dû affronter la mort une seconde fois. Par contre, « si dans la résurrection de Jésus il ne s’était agi que du miracle d’un corps réanimé, cela ne serait pas plus important que la réanimation, grâce à l’habileté des médecins, de personnes cliniquement mortes. Pour le monde en général et pour notre existence, rien ne serait changé »[2] affirme Benoît XVI.
Mais quand Dieu ressuscite Jésus, il n’est pas simplement réanimé, ramené à une vie biologique encore périssable et soumise à la loi de la mort. Jésus ressuscité est le Vivant, totalement délié des liens de la mort, abandonnant les linges dans le tombeau. Et avec lui, c’est toute l’humanité qui surgit du tombeau par l’action salvifique de Dieu. C’est dire que la résurrection du Christ révèle à quel point Dieu s’engage dans l’œuvre de notre salut. Et cet engagement de Dieu appelle la participation active de l’homme. C’est là le deuxième point :
* La foi en la résurrection comme aboutissement d’une démarche personnelle et intérieure. La page d’évangile ressemble à une marche progressive, une course jusqu’à la foi. Tous courent vers le tombeau, mais un seul parvient aussitôt à la foi. D’abord, Marie Madeleine va vers le tombeau pendant qu’il fait encore sombre. Ces ténèbres évoquent l’absence de la foi. Ayant vu la pierre roulée, elle imagine que le corps de Jésus a été enlevé. Pierre pour sa part, examine de près le suaire et les linges restés là, posés à plat, comme s’ils n’ont pas été défaits. Cette vision plus exacte des choses écarte l’hypothèse de l’enlèvement avancée par Marie Madeleine. En effet, qui, voulant voler un corps, aurait eu assez de temps et de sang-froid pour défaire les linges et les reconstituer si délicatement, surtout dans un tombeau gardé (selon le témoignage de Mathieu) ? Et quand le disciple bien-aimé entra à son tour, il vit et il crut. Et c’est là le sommet du récit.
Chacun des trois personnages accomplit une démarche personnelle et un cheminement intérieur. Et c’est le disciple bien-aimé qui vit et qui crut aussitôt. Sa relation particulière avec le Seigneur lui permet de passer de ce qu’il voit à la foi : il n’a pas eu besoin d’une apparition, ni d’une démonstration : l’amour du Seigneur le conduit du signe à Celui que le signe indique : il vit et il crut.
De même, pour nous aussi, la foi en la résurrection ne doit pas être une adhésion purement intellectuelle à une doctrine. Cette foi doit être le lieu d’un cheminement personnel, d’une vie d’intimité avec le Ressuscité. Nous avons donc besoin de tourner nos cœurs vers Lui afin de devenir témoins de sa résurrection. Et c’est là le troisième et dernier point :
* La foi en la résurrection comme engagement au témoignage. On ne peut pas croire au Ressuscité et refuser d’être témoin. Dans la première lecture, nous voyons que la foi en la résurrection est absolument indissociable de l’appel au témoignage. De même, dans la deuxième lecture, saint Paul nous invite à mener une vie cohérente avec notre foi en la résurrection : « si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut… Pensez aux réalités d’en haut, non à celles de la terre ! »
Autrement dit, la résurrection n’est pas une doctrine que nous sommes chargés d’enseigner. C’est tout un programme de vie, toute une vie dont nous sommes appelés à témoigner. En conséquence, plus que nos paroles et nos discours, ce sont nos actes concrets qui doivent témoigner de notre foi en la résurrection, si vraiment nous savons nous attacher aux réalités d’en haut.
En ce sens, la crise du coronavirus qui secoue toute la planète depuis quelques temps déjà, nous pousse, de façon un peu violente certes, à reconsidérer totalement notre mode de vie et à faire un examen de conscience personnel et collectif. En effet, voilà toute l’économie mondiale presqu’à l’arrêt, riches et pauvres, les dirigeants les plus influents comme les moins illustres, croyants et athées, tous nous sommes indistinctement frappés. Et tout ce qui nous faisait courir s’arrête brusquement devant les ravages impitoyables d’un minuscule virus, et tout ralentit comme dans un film de science-fiction ! Chacun devrait alors se demander : où se trouve l’essentiel pour l’homme si ce n’est en Dieu ?
Voilà pourquoi, tout en suppliant le Seigneur de hâter la fin de cette pandémie, je nous supplie de ne pas rater cette occasion de changer notre vision de la vie et de tourner nos regards vers les réalités d’en haut : donnons plus de place à Dieu, vivons la charité dans la vérité en tout temps et en tous lieux. Nous avons vu maintenant combien notre vie est fragile et éphémère. Tournons alors nos regards vers les réalités d’en haut, attachons-nous à Dieu !
Que la résurrection du Christ soit l’annonce d’une fin prochaine de cette pandémie, et l’occasion d’une renaissance à une vie nouvelle dans le Christ, Lui le Vivant, à qui soient tout honneur et toute gloire, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen.
[1] Cf. Ph 2, 9
[2] Joseph RATZINGER (Benoît XVI), Jésus de Nazareth. De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection, Editions du Rocher, p352…