Bénédiction de l’église Saint Louis de Cotonou Homélie du 22ème Dimanche du Temps Ordinaire

Dimanche 30 août 2020 /                                                                                                                                      22ème Dimanche du Temps Ordinaire/A

Bénédiction de l’église Saint Louis de Cotonou

Chers frères et sœurs dans le Christ,

Nous voici réunis dans la joie, pour célébrer la bénédiction de votre église. Tous, nous nous souvenons encore avec émotion de la vieille petite bâtisse aux allures de hangar, qui était dans le coin droit de la maison, et où votre communauté se rassemblait pour la prière. Et nous voici aujourd’hui dans cette splendide église qui force l’admiration et que l’on ne peut passer sans regarder ! Que le Nom du Seigneur soit à jamais béni et qu’Il soit loué à travers ses œuvres!

D’abord, nous rendons grâce à Dieu, Maître de toute œuvre, Lui qui bâtit sa maison. Nos hommages et remerciements aux différents curés, notamment le Père Frédéric VIADENOU qui a été le premier à planifier le projet, le Père Ponce AKENONE qui s’est donné pour sa concrétisation effective, et le Père Victor SOGNI, votre actuel curé, qui a apporté la touche finale en un temps record, avec des réalisations qui forcent l’admiration. Je tiens à remercier et à féliciter particulièrement votre communauté. Car c’est vous qui vous êtes mobilisés et investis, voire sacrifiés, en apportant vos offrandes et vos compétences, pour que cette église soit construite. Je suis vraiment fier de vous et je tiens à vous féliciter. Que le Seigneur vous le rende au centuple. Je remercie enfin les travailleurs et techniciens à divers niveaux, ainsi que tous les acteurs qui ont œuvré pour la construction de cette bâtisse. Qu’ils soient tous bénis du Seigneur.

Nous célébrons aujourd’hui la bénédiction de l’église: ce n’est pas encore sa consécration. Cette bénédiction signifie simplement que nous voulons invoquer le Nom du Seigneur sur ce bâtiment, qui cessera d’être un simple lieu de rencontres liturgiques, pour devenir un véritable lieu de prière, approuvé par l’Église, en attendant de devenir un jour, par le rituel de la dédicace ou consécration, un lieu définitivement voué à Dieu pour le culte.

Cette majestueuse église, motif de légitime fierté, est donc un grand symbole pour tous. Avec son imposante façade en forme de mitre, – ce qui rappelle le nécessaire lien de communion entre le peuple de Dieu et l’évêque qui tient la place du Christ, et évoque également les sacrements comme porte d’entrée dans la vie de Dieu -, elle constitue toute une catéchèse. Et je suis venu justement ce matin, pour vous donner le contenu essentiel de cette catéchèse, à savoir : autant cette nouvelle église attire l’attention par sa beauté impressionnante, autant sinon plus encore, vous, peuple de Dieu, vous êtes appelés à briller et à attirer les hommes par votre témoignage de vie. Car le Temple spirituel véritable, c’est vous ! Comment donc arriver à être davantage des signes visibles de la présence de Dieu au milieu du monde, comme cette église est la demeure de Dieu parmi les hommes ? Les textes liturgiques de ce jour nous y aident.

Dans ce sens, saint Paul nous adresse dans la deuxième lecture tirée de la Lettre aux Romains, une exhortation fondamentale : « Je vous exhorte, frères, par la tendresse de Dieu, à lui présenter votre corps – votre personne tout entière -, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu : c’est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte ». Nous avons là, me semble-t-il, une parole forte qui convient parfaitement à l’événement qui nous rassemble.

En effet, le culte public que nous offrons dans cette église est, comme nous le disons, pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Mais s’il est vrai que l’Église est un lieu nécessaire pour le culte, c’est pourtant dans toute notre personne que Dieu reçoit le culte véritable. En cela, l’expérience de Jérémie dans la première lecture nous enseigne que le culte rendu dans l’Église doit être le lieu d’une intimité plus profonde avec Dieu, de sorte que l’amour de Dieu soit vraiment brûlant en nous, comme la Parole dans le cœur du prophète. Cela suppose et exige que nous soyons capables de renoncer à nous-mêmes et de prendre notre croix à la suite du Christ, comme il nous le demande lui-même dans la page d’évangile.

Alors vous fidèles de Saint Louis, qui célébrez la bénédiction de votre église, que devez-vous faire pour devenir de tels chrétiens sur lesquels notre Église peut compter ? Pour y parvenir, je vous propose trois repères clés tirés des textes du jour.

Le premier repère, c’est de permettre à Dieu d’enraciner en nos cœurs l’amour de son Nom[1]. Dans la première lecture, au-delà de la souffrance exprimée, le prophète confesse à haute voix son amour, voire sa passion pour Dieu : « Seigneur tu m’as séduit, et je me suis laissé séduire ; tu m’as fait subir ta puissance, et tu l’as emporté »[2].

Si l’idée de force peut faire penser à une certaine domination exercée par le Seigneur sur le prophète, la fin du texte rassure qu’il s’agit bien plutôt d’un amour inconditionnel qui engage totalement le prophète dans une dépendance radicale vis-à-vis de Dieu. Le psaume responsorial reprend d’ailleurs cette idée d’amour profond qui unit le fidèle à son Dieu, avec un langage affectif particulièrement profond. Réécoutons quelques passages : « Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube : mon âme a soif de toi ; après toi languit ma chair, terre aride, altérée, sans eau… Ton amour vaut mieux que la vie… Mon âme s’attache à toi ».

C’est dire que la relation entre le fidèle et son Dieu doit être une relation d’amour intime et profond, une véritable passion, comparable à l’amour qui unit les époux. En ce sens, Mgr Isidore de SOUZA définissait le chrétien comme un Kristusi, exprimant ainsi la nature des liens entre le fidèle et le Christ.

Chers fidèles de Saint Louis, ne soyez jamais des chrétiens qui suivent le Christ par conformisme ni par intérêt, mais des gens qui s’attachent à Lui par conviction et par amour. Il est vrai que dans notre contexte socioreligieux, beaucoup s’accrochent à Dieu par pur besoin : besoin de protection, besoin de délivrances et de miracles qui nous font tant courir… Mais pour vous, mes frères et sœurs, qu’il n’en soit pas ainsi ! Soyez plutôt des gens qui mettent Dieu au centre de leur vie, des gens pour qui Dieu est l’Unique nécessaire. Faites de Dieu le socle de votre vie, celui sans lequel votre vie n’aurait pas de sens. Soyez des passionnés de Dieu. Ravivez constamment votre passion pour le Seigneur par la prière régulière, notamment la visite au saint-sacrement, la Lectio Divina, l’oraison mentale, la méditation du rosaire. Vous avez désormais une belle église qui incite à la prière : qu’elle vous aide à prier davantage.

Le deuxième repère, c’est l’offrande totale et intégrale de nos personnes comme sacrifice capable de plaire à Dieu. Dans la deuxième lecture, saint Paul enseigne aux Romains que la manière juste de rendre un culte à Dieu, c’est d’offrir toute leur personne en sacrifice agréable et saint. Le terme « sacrifice » se réfère généralement à un élément intermédiaire faisant la liaison entre le fidèle et Dieu. Or, ici, la notion d’intermédiaire est supprimée, et c’est le fidèle lui-même qui est appelé à offrir sa propre personne tout entière, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu. De quoi s’agit-il concrètement, et à quoi cela vous invite-t-il ?

Oui, frères et sœurs, Dieu attend de nous que nous puissions lui offrir en sacrifice tout ce que nous sommes : notre corps, notre force, notre intelligence, nos talents, nos compétences, notre temps. Or, nous savons, le terme « sacrifice » signifie : rendre sacré, faire entrer une chose ou une personne dans le domaine du sacré. Voilà pourquoi, à la suite de saint Paul, la deuxième exhortation que je souhaite vous adresser en cette occasion, c’est de faire de toute votre personne, toute votre vie, quelque chose de sacré, totalement consacré, voué à Dieu. C’est en réalité une conséquence logique de notre amour pour Dieu. Nous ne pouvons prétendre aimer Dieu sans lui donner toute notre personne. Ne soyez donc pas des chrétiens qui consacrent à Dieu une partie seulement de leur vie, en réservant le reste pour eux-mêmes.

En termes plus clairs, ceux qui ne pensent à Dieu que le dimanche, qui sont les derniers à entrer dans l’église et les premiers à en sortir, ou qui sont chrétiens seulement à l’église et qui une fois chez eux ou sur leurs lieux de travail, vivent et agissent comme tout le monde, ceux-là ne sont pas de vrais chrétiens, et leur vie ne saurait plaire à Dieu. D’ailleurs, saint Paul nous met en garde en disant : « Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser ».

Le vrai chrétien, c’est celui qui laisse Dieu saisir toute sa vie, sans réserve, celui qui se laisse saisir par Dieu, à tel point que Dieu demeure son unique référence dans toutes ses paroles, ses actions et même ses pensées. Que le Seigneur vous donne la grâce d’être de tels chrétiens ! Mais cela suppose et exige une acceptation totale du mystère de la croix du Christ dans notre vie. C’est la troisième et dernière exhortation que je désire vous adresser.

Le troisième repère donc, c’est l’effort d’être des chrétiens marqués par le mystère de la croix du Christ. Dans la page d’évangile, nous voyons Pierre qui avait brillamment confessé la messianité de Jésus, se rétracter dès que Jésus avait parlé de la croix. Cela lui vaut le plus rude des reproches de Jésus dans tout l’évangile : « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute ». Pierre veut confesser un messie glorieux, un Christ triomphateur, en écartant totalement le mystère de la croix. Non, il ne suffit pas de confesser la foi du bout des lèvres. D’ailleurs, Jésus ne manque pas de nous mettre en garde par ces paroles fortes: « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ». Il y a là pour nous une véritable interpellation.

En effet, ne voulons-nous pas nous aussi, suivre un Jésus glorieux et triomphateur, qui d’un coup de baguette magique règle tous nos problèmes ? En ce sens, j’ai souvent mis en garde contre une certaine idéologie de la prospérité qui commence à circuler de plus en plus dans notre Église catholique, idéologie qui évacue le mystère de la croix, et prétend que celui qui suit le Christ est à l’abri de toute souffrance sur cette terre. Cette mentalité pousse plusieurs catholiques à parcourir les cercles de prières les plus étranges et les confessions chrétiennes où l’on prêche le miracle et les merveilles. Pour vous mes frères et sœurs, qu’il n’en soit pas ainsi !

Voilà pourquoi je vous exhorte vivement à ne jamais rechercher le Christ sans la Croix, au risque de trouver la croix sans le Christ. Que Dieu vous en garde. Soyez donc des chrétiens marqués du mystère et du signe de la croix, qui demeurent dans l’amour de Dieu quelles que soient les épreuves qu’ils rencontrent. Il peut arriver dans notre vie des moments difficiles et des heures sombres. Mais au jour d’épreuve, tenez bon ! Car le Seigneur ne vous abandonnera jamais seuls. Qu’il confirme en vous une foi inébranlable et inconditionnelle !

En bénissant aujourd’hui votre église, je confie chacun de vous au cœur Immaculée de Marie. Toute consacrée à Dieu dans l’obéissance et l’amour, elle demeure pour nous le modèle de l’adhésion au Christ en toutes circonstances. Qu’à sa prière et par l’intercession de Saint Louis votre saint Patron, le Seigneur resserre davantage vos liens avec Lui, qu’il veille sur vous avec sollicitude, et fasse grandir ce qui est bon en vous, pour sa plus grande gloire, Lui qui vit et règne maintenant et pour les siècles des siècles. Amen.

[1] Cf. collecte de la messe

[2] Ancienne version liturgique