Vœux perpétuels et Jubilés OCPSP
Mardi 8 septembre 2020.
Vœux perpétuels et Jubilés OCPSP / ABOMEY-CALAVI.
Chers frères et sœurs,
En ce jour où nous célébrons la Nativité de la Vierge Marie, nous sommes heureux d’accueillir la profession perpétuelle de deux sœurs OCPSP. Après plusieurs années de vœux temporaires, elles décident de faire leur engagement définitif dans l’Institut. Dans le même temps, 7 des sœurs de l’Institut (dont la mère générale) célèbrent leurs noces d’argent (25 ans de vie religieuse) tandis que 2 autres fêtent leur jubilé d’or (50 ans de vie religieuse), une ses noces de diamant (60 ans de vie religieuse) et une autre encore ses noces de platine, c’est-à-dire 70 ans de vie religieuse. Nous avons là autant d’occasions pour rendre grâce au Seigneur de ses merveilles dans la vie de votre Institut. Mes chères sœurs, félicitations et bonne fête !
Célébrer ces heureux événements le jour de la Nativité de la Vierge Marie est un très beau signe : de même que Marie (la Mère de Jésus) a été disposée, dès sa naissance, à reproduire l’image de Jésus, de même toute votre vie religieuse s’inscrit dans cette perspective. De fait, comme nous le dit l’Apôtre Paul dans sa lettre aux Romains, « ceux que d’avance il (Dieu) connaissait, Il les a aussi prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères ». C’est dire qu’à la suite de Marie, la première en qui s’est reproduite l’image du Fils de Dieu par sa maternité, vous faites partie de cette multitude de frères et sœurs, choisis pour reproduire l’image du Fils de Dieu dans le monde.
Autrement dit, les événements d’Eglise que nous célébrons aujourd’hui (profession perpétuelle et divers jubilés des sœurs) s’inscrivent dans le plan de Dieu de faire de certains hommes choisis par Lui des « icônes » de sa présence dans le monde. Oui, comme consacrés, vous avez accepté d’offrir vos personnes « en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu » (Rm 12, 1), de façon à être comme Marie celles qui reproduiront l’image du Christ dans le monde, celles qui donnent naissance à la vie de Jésus dans le monde.
Cette œuvre ne relève pas de la chair et du sang, mais elle dépend entièrement de Dieu : c’est une œuvre qui s’accomplit par la grâce de Dieu, comme elle s’est accomplie en Marie, celle qui est justement appelée la « comblée de grâces ». Sans la foi, nul ne saurait s’aventurer sur ce chemin où il s’agit de collaborer à l’œuvre de Dieu. Plusieurs parmi vous ont accepté d’embrasser ce chemin de foi déjà depuis 25 ans, 50 ans, 60 ans et même 70 ans, signe qu’une telle aventure vaut bien la peine.
Pour vous, chères sœurs Edwige Marie et Irénée Judith, qui avez décidé de faire votre engagement définitif en embrassant ce chemin jusqu’à la mort, vous n’avez rien à craindre, car vous avez devant vous l’exemple de vos sœurs aînées (dont fait partie heureusement la Mère Générale elle-même, ainsi que la Mère émérite Marie Paul, véritable « matriarche » au cœur vif et à la mémoire toujours fidèle). La question que vous pourriez vous poser est de savoir comment faire pour persévérer vous aussi, dans votre choix de façon fidèle et radicale pour autant d’années. A la lumière des textes liturgiques de ce jour, je voudrais vous suggérer trois secrets.
Le premier secret consiste à mettre l’amour de Dieu au-dessus de toute chose. Saint Paul nous dit dans la première lecture : Quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien, puisqu’ils sont appelés selon le dessein de son amour. Oui mes chères sœurs, si la vocation est parfois suscitée par des choses banales, c’est bien l’amour de Dieu qui permet au consacré de suivre le Christ dans la vie religieuse. Sans cet amour de Dieu placé au-dessus de tout, il est impossible de vivre les conseils évangéliques dans leur radicalité. En d’autres termes, l’amour de Dieu placé au-dessus de tout constitue à la fois le fondement et le cœur même de toute vie religieuse, le « carburant » de toute vie consacrée authentique. Autrement dit, si l’amour de Dieu n’est pas placé au centre, au cœur et au-dessus de tout, il n’y a pas de vie religieuse épanouie.
Déjà dans l’Ancien Testament, Dieu définissait l’amour que nous devons avoir pour lui comme le cœur de toute la religion, par ces paroles reprises par Jésus dans l’évangile : tu aimeras ton Dieu de tout cœur, de toute ton âme et de toute ta force[1]. Et le livre du Deutéronome ajoute ces mots qui vous concernent particulièrement : Ces paroles que je te donne aujourd’hui resteront gravées dans ton cœur… tu les répéteras sans cesse… tu les attacheras à ton poignet comme un signe, elles seront un bandeau sur ton front[2]. Si vous voulez être des consacrées dignes du nom, alors restez attachées, accrochées, fortement agrippées à l’amour de Dieu.
Oui, la qualité d’une vie religieuse digne du nom tient fondamentalement à la radicalité de votre amour pour Dieu. Je vous exhorte donc à entretenir, voire approfondir de jour en jour cet amour à travers la prière intense, assidue et régulière, l’écoute attentive et la médiation quotidienne de la Parole de Dieu, la dévotion à l’Eucharistie et à la Vierge Marie et la formation permanente. Ce ne sont pas seulement des activités importantes : ce sont plutôt les choses fondamentales et essentielles, le contenu même de la vie religieuse.
Cela ne doit pas être vécu de façon pharisaïque, mais doit plutôt se traduire concrètement en témoignage de communion fraternelle avec vos consœurs, ainsi que dans l’accueil joyeux et charitable des personnes que vous rencontrez. Saint Jean nous l’a bien enseigné : l’amour de Dieu doit toujours se traduire par la charité fraternelle. C’est dire que sans votre charité fraternelle, on ne peut voir l’amour de Dieu qui brûle en vous. D’ailleurs Jésus, répondant au docteur de la loi[3], affirme le lien intrinsèque entre l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Que votre cœur soit donc rempli de l’amour de Dieu. Cet amour ouvrira vos yeux pour voir la souffrance des malheureux ; il mettra en mouvement vos mains pour agir envers les pauvres, vos pieds pour courir sur les chemins de la mission, votre esprit pour trouver des solutions là où sévissent le mal et la misère. C’est cet amour qui vous disposera à accomplir avec zèle et dévouement les missions et œuvres de l’Institut. Si vous avez cet amour, plus rien, absolument rien ne vous manquera. Alors, laissez-vous saisir entièrement par cet amour, et vous verrez comment Dieu fera tout contribuer à votre bien.
Le deuxième secret, c’est d’accepter de mourir à vos propres projets au profit du projet de Dieu. C’est bien là l’exemple lumineux donné par Joseph dans la page d’évangile que nous venons d’écouter. Par deux fois au moins, Joseph accepte de mourir à son propre projet – pourtant légitime – pour n’adhérer qu’à celui de Dieu. D’abord, découvrant que sa fiancée Marie était enceinte, il décide de la répudier en secret, abandonnant son projet de mariage avec elle. Ensuite, quand il reçoit en songe les consignes de l’ange, il renonce encore à son projet de répudier Marie, et se consacre entièrement à la mission que Dieu lui confie dans la sainte Famille. Et c’est ainsi qu’il devient celui par qui le projet de donner Jésus au monde va se poursuivre jusqu’à son accomplissement. On parle beaucoup du « fiat » de Marie, mais il serait aussi juste de méditer sur la docilité de Joseph.
Notre vie religieuse se passe bien souvent ainsi : elle est souvent le lieu d’un véritable conflit entre nos propres ambitions, nos propres désirs et les projets de Dieu exprimés par notre Institut. Hier, je disais aux nouvelles professes temporaires que notre cœur est le champ de bataille entre l’esprit du monde et l’Esprit de Dieu. Après plusieurs années de vœux temporaires, vous, vous en êtes bien conscientes. Alors laissez-moi vous le redire : si nous ne nous décentrons pas de nos propres projets, même les plus légitimes et les plus pertinents, pour épouser entièrement et sans réserve ceux de notre famille religieuse, nous serons toujours des gens aigris et grincheux qui en veulent à tout le monde, des éternels insatisfaits. Que Dieu vous en garde !
C’est seulement dans la mesure où comme Joseph, vous acceptez de mourir à vos projets et désirs personnels, pour adhérer entièrement à ceux de la Congrégation par laquelle s’exprime la volonté de Dieu, que vous pouvez être des religieuses épanouies, heureuses, et capables comme Marie de donner Jésus au monde, d’être icône de Jésus pour le monde. Croyez-moi : (fort de mon expérience de religieux et d’évêque, je puis vous le dire 🙂 il n’y a de bonheur durable et profond que dans l’abandon de ses projets personnels pour adhérer à ceux de Dieu. Aux heures de tentation et d’hésitation, souvenez-vous que Joseph n’a pas perdu de temps à réfléchir. Comme lui, adhérez sans hésiter à ce que Dieu veut et non à ce que vous suggèrent votre esprit ou les mauvais conseillers – toujours disponibles pour brouiller la voix de Dieu dans les consciences. Comme Joseph, soyez des consacrées qui adhèrent sans hésiter au projet de Dieu, collaborant ainsi au salut du monde. Que Dieu vous y aide toujours !
Enfin, le troisième secret, c’est la douceur de Joseph comme signe de la présence de l’Esprit de Dieu en vous. Ce qui est très frappant dans cette page d’évangile, c’est la douceur avec laquelle Joseph a voulu régler la situation qui se présentait à lui. Alors que la loi lui donnait le droit de faire lapider sa fiancée enceinte sans avoir encore cohabité avec lui, Joseph va au-delà de la loi, refusant de faire du mal au nom de la loi, et décide de répudier Marie en secret, sans la soumettre à l’humiliation. L’homme juste en Israël, c’est en effet celui qui ne se fait pas justice à lui-même, qui confie sa cause à Dieu, le seul qui justifie et à qui revient la justice. Le juste, c’est donc celui qui s’ajuste à Dieu dans la miséricorde, la patience, la bonté. Joseph a véritablement épousé la tendresse, la miséricorde, la douceur de Dieu ! Voilà comment vous devez vous traiter en communauté mes chères sœurs, voilà comment vous devez traiter toute personne confiée à vos soins.
Oui, la douceur doit être le signe de la présence de l’Esprit Saint que nous invoquerons tout à l’heure sur vous. Sans la douceur dans la vie fraternelle, sans la charité dans la vérité, la vie religieuse n’aurait aucun sens. Voilà pourquoi je vous exhorte instamment à toujours porter un regard de miséricorde, de bonté et de charité sur vos sœurs, les aînées comme les plus jeunes. Toute haine ou rancune est un lieu de scandale qui obscurcit le témoignage et éloigne les vocations. Car lorsque dans une communauté, la douceur, la charité et la vérité sont en « délestage », la méfiance s’installe, la communion est rompue et le témoignage de vie devient impossible. Epousez donc, je vous en supplie, la douceur de Joseph pour un témoignage plus vrai.
Sur ce chemin, vous avez le réconfort et le soutien de vos sœurs aînées jubilaires. Oui chères jubilaires, vos différents anniversaires constituent une véritable motivation pour les plus jeunes. Car vous témoignez qu’il est possible de donner toute sa vie au Christ et de demeurer joyeux dans la fidélité à son service. Que le Seigneur vous redonne une nouvelle jeunesse, afin que vous puissiez continuer de lui rendre témoignage pour toute votre vie, afin d’attirer beaucoup d’autres vocations pour votre Institut.
Voilà pourquoi je confie chacune de vous à l’intercession de la Vierge Marie notre mère. Profondément enracinée dans l’amour de Dieu, et renonçant à elle-même pour adhérer au dessein de Dieu, elle demeure pour nous le modèle de la douceur et de la charité. Puissiez-vous comme elle, reproduire l’image du Christ dans le monde. Et qu’à sa prière, chacune de vos vies soit un vivant et saint témoignage à la gloire du Christ, Lui qui vit et règne maintenant pour les siècles des siècles. Amen.
[1] Cf. Dt 6, 5 ; Mt 22, 37 ; Mc 12, 30
[2] Cf. Dt 6, 6…
[3] Mt 22, 36…