VENDREDI SAINT : CELEBRATION DE LA PASSION

10 avril 2020

 

VENDREDI SAINT : CÉLÉBRATION DE LA PASSION.

En ce Vendredi Saint, nous célébrons la Passion de Notre Seigneur. Toute la liturgie de ce jour, par son allure austère, l’absence du sacrifice eucharistique, et tant d’autres rituels inhabituels, constitue déjà en soi une véritable catéchèse sur le mystère célébré, qui n’a donc plus besoin d’être longuement expliquée.

La Croix est au centre de cette célébration, comme la Passion du Christ est au cœur du mystère célébré. Mais si la croix et la passion évoquent l’idée d’humiliation, de douleur atroce, de souffrance amère, pourquoi en faire l’objet d’une célébration ? Qu’est-ce qu’il y a à célébrer un événement aussi douloureux ?

Dans la page d’évangile, Saint Jean nous aide à regarder et à appréhender autrement le mystère de la Passion du Christ. Dans aucun autre passage de son évangile, Jean ne concentre autant de descriptions d’actions, de paroles diverses du Christ qu’il est le seul à rapporter, et de citations des Ecritures appliquées à Jésus. C’est dire que pour Jean, la Passion n’est pas un moment de déchéance et d’échec, mais plutôt l’Heure de l’accomplissement de la mission du Christ.

En écoutant ce récit de la passion, il est aisé de reconnaître en Jésus la figure du serviteur souffrant, innocent, qui prend sur lui le péché de la multitude. Saint Jean l’évoque en rappelant cette parole de Caïphe : il vaut mieux qu’un seul meure pour tout le peuple. Il est encore plus aisé de reconnaître en Jésus, le Grand Prêtre qu’il nous fallait, lui qui exerce son sacerdoce éternel par l’offrande de lui-même sur la croix. Dans ce sacrifice offert une fois pour toutes, il est à lui seul le prêtre, l’autel et la victime[1]. Là aussi, saint Jean fait exprès de placer la Passion et la mort de Jésus au cœur même de la pâque juive, au moment où l’agneau pascal est immolé. L’allusion ici est claire : Jésus est le véritable Agneau de Dieu offert en sacrifice ; et comme pour l’agneau pascal, aucun de ses os ne fut brisé. Ayant ainsi accompli tout ce que l’Ecriture prescrivait, Jésus peut donc dire : tout est accompli, avant de remettre l’esprit.

La mort du Fils de Dieu est apparue pour beaucoup comme la fin tragique d’un vulgaire agitateur révolutionnaire qui a échoué. D’ailleurs Pilate, dans son attitude équivoque dans tout le récit, fera écrire ces paroles moqueuses : Jésus le Nazaréen, roi des Juifs. Et pourtant, Jésus est Roi et Seigneur ! Quand il répondit « c’est moi » à ceux qui venaient l’arrêter, ceux-ci reculèrent et tombèrent. Il est aussi pourtant la vérité, puisqu’à la question de Pilate « et qu’est-ce que la vérité », il ne répondit pas, car c’est lui-même la vérité. Il est aussi pourtant la vie, puisqu’en mourant sur la croix, il donne à l’humanité entière la vie qui n’aura pas de fin : je suis venu pour que les hommes aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance[2].

Frères et sœurs, la convergence des textes de ce jour et l’appel qu’ils nous lancent sont manifestes : en s’offrant librement pour notre salut, Jésus le Serviteur souffrant de Dieu se révèle comme le grand-prêtre véritable, qui veut prendre toute l’humanité[3] avec lui dans son offrande. Constitués nous aussi prêtres par notre baptême, offrons constamment en sacrifice à Dieu, nos combats quotidiens, nos efforts de tendre vers la sainteté, toutes nos douleurs, toutes nos misères, toutes nos souffrances surtout en ces moments difficiles avec la crise du coronavirus.

Décidons-nous donc et engageons-nous plus résolument à faire plus d’efforts et de sacrifices, afin que nos vies soient pleinement offertes à Dieu et aux autres, dans une quête permanente de la sainteté. Ne pas le faire serait sans doute la pire manière de prolonger les souffrances du Christ.

Que sa Passion nous fortifie dans notre combat pour la sainteté. Et que Lui-même nous donne toujours la claire vision de ce que nous devons faire, et la force de l’accomplir, Lui le Seigneur et le Sauveur, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen.

[1] Cf. 5ème préface de Pâques

[2] Jn 10, 10

[3] Le motif de la condamnation écrit en trois langues suggère l’universalité de l’œuvre salvifique du Christ.