MESSE CHRISMALE AU SANCTUAIRE MARIAL D’ALLADA
20 JUIN 2020.
MESSE CHRISMALE AU SANCTUAIRE MARIAL D’ALLADA.
Chers confrères dans le sacerdoce,
Chers frères et sœurs en Christ,
Nous voici rassemblés en ce Sanctuaire marial d’Allada pour notre messe chrismale qui, de façon exceptionnelle, est célébrée cette année dans la période liturgique du Temps ordinaire. Oui, coronavirus oblige ! A cause de cette maladie qui a surgi dans le monde et continue de nous menacer, nous n’avons pas pu organiser cette célébration durant la Semaine Sainte, comme nous le faisions ordinairement par le passé.
Conformément aux instructions données par la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements le 19 mars dernier, nous avons opté pour le report de la messe chrismale à une date ultérieure, et c’est ce qui justifie notre rassemblement ce jour, ici au Sanctuaire marial d’Allada, un endroit mieux adapté pour accueillir la présente assemblée, dans la stricte observance des mesures barrières.
La longue période de la suspension des célébrations eucharistiques publiques et des activités paroissiales a été sans doute très éprouvante aussi bien pour les fidèles laïcs (obligés à rester confinés dans leur maison) que pour les pasteurs, désireux de garder un contact direct avec le peuple de Dieu. Je félicite les prêtres, les religieux/religieuses ainsi que les fidèles laïcs pour le courage et les peines endurées durant la traversée de l’épreuve.
Il est heureux de constater que malgré les mesures restrictives et les difficultés d’accès aux églises, plusieurs initiatives, et non des moindres, furent prises par des prêtres dans le sens de vivre une plus grande proximité avec le peuple de Dieu. Grâce aux médias et aux moyens de télécommunication des messes ont été régulièrement rediffusées. La méditation sur la Parole de Dieu, la Lectio Divina et des instructions sur des thèmes variés ont été relayées.
Déjà, les messes célébrées individuellement par chaque prêtre permettaient de communier avec les fidèles laïcs. De ce point de vue, comme le précise à juste titre le cardinal Robert SARAH : « Chaque fois qu’un prêtre célèbre la messe ou la liturgie des heures, même s’il est seul, il offre le culte public et officiel de l’Église en union avec son Chef, le Christ et au nom de son Corps entier. Il est nécessaire de rappeler cette vérité (…) L’absence physique de la communauté n’empêche pas la réalisation du culte public même si elle l’ampute d’une partie de sa réalisation »[1]. Je remercie vivement tous les prêtres et je les félicite pour ces différentes initiatives prises. Elles sont louables et témoignent de l’attention indéfectible des pasteurs vis-à-vis des brebis qui leur sont confiées.
Depuis la reprise des célébrations publiques et des activités paroissiales, des efforts certains sont déployés dans le sens de la stricte observance des mesures de protection et des gestes barrières contre la COVID-19. Je vous invite à ne pas baisser la garde et à poursuivre les efforts dans le sens du respect de ces mesures, car le mal est plus que jamais présent dans notre pays avec un taux de propagation de plus en plus inquiétant. Comme chrétiens, disciples du Christ, nous sommes d’abord et avant tout des témoins de l’espérance, des sentinelles pour la culture de la vie. Et à ce titre, nous devons veiller à faire respecter et protéger la vie. De grâce, ne banalisons donc pas les mesures barrières !
Dans un instant, nous allons procéder à la bénédiction des huiles et à la consécration du Chrême, lesquels seront utilisés pour l’onction des malades et des catéchumènes, pour l’administration des sacrements et la consécration des églises. Je rappelle que les huiles saintes sont exclusivement destinées à cette fin, elles ne doivent pas être distribuées aux fidèles pour d’autres fins. Par ailleurs, les Huiles à bénir et le Chrême à consacrer sont ceux qui seront bientôt apportés à l’autel et non ceux qui sont dans vos sacs ou dans vos mains. Je vous remercie déjà pour votre compréhension !
Cette messe chrismale est aussi l’occasion pour tous les prêtres du diocèse de renouveler leurs promesses sacerdotales en signe de leur appartenance au Christ et de leur engagement à poursuivre la mission d’enseignement, de sanctification et de gouvernement qu’ils partagent avec l’évêque. C’est dans le but de redécouvrir à nouveaux frais le sens de cette mission reçue du Christ et de l’assumer comme il se doit que je voudrais, pour notre méditation, attirer l’attention sur trois points majeurs.
Le premier point est le caractère divin de notre consécration sacerdotale. Le prêtre, comme tout envoyé de Dieu, est en effet un consacré : de par l’onction reçue, l’Esprit du Seigneur est présent en lui et fait de lui un mis-à-part, une personne exclusivement réservée à Dieu. En d’autres termes, par son ordination, le prêtre devient la propriété exclusive de Dieu. C’est de cette consécration qu’il s’agit lorsque Jésus, au début de son ministère, inscrit sa mission dans la mouvance de l’Esprit Saint : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction ». Le texte d’Isaïe que Jésus reprend ici à son propre compte dit explicitement : « L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction ». L’acteur principal de la consécration est donc Dieu lui-même qui agit directement dans la vie de son élu par l’action de l’Esprit.
Le psaume responsorial qui fait écho à la première lecture met en exergue cette action de Dieu dans la vie de David, consacré comme roi d’Israël : « J’ai trouvé David, mon serviteur, je l’ai consacré avec mon huile sainte. Ma main sera pour toujours avec lui, mon bras fortifiera son courage. Mon amour et ma fidélité sont avec lui, mon nom accroît sa vigueur ».
C’est dire que lorsque Dieu nous choisit, c’est lui-même qui agit en nous, ce qui exige de notre part une appartenance totale à lui, une docilité sans fard à son Esprit. Jésus est notre unique modèle dans cette docilité à l’Esprit, à travers une vie totalement donnée à Dieu son Père jusqu’à la mort sur la croix. L’apôtre saint Jean, dans le texte de l’Apocalypse pris en deuxième lecture, a donc raison de l’appeler « témoin fidèle, le premier-né des morts, le prince des rois de la terre ».
Mes chers confrères dans le sacerdoce, si nous sommes devenus prêtres, c’est parce que nous voulons nous conformer au Christ, témoin fidèle dont la vie est totalement vouée à Dieu son Père. C’est dans notre effort quotidien de nous conformer à Lui que Dieu peut agir en nous et que nous pouvons à notre tour agir efficacement in personna Christi dans la vie des autres.
Ne négligeons donc pas de revisiter à tout moment les fondamentaux de notre vie sacerdotale : la vie de prière régulière, l’écoute attentive et assidue de la Parole de Dieu, les visites régulières au Saint Sacrement (lieu propice où nous pouvons échanger dans un cœur à cœur avec le Seigneur), la dévotion à la Vierge Marie. Dans la même dynamique, nous ne devons pas banaliser les moments de récollection et de retraite. Ce sont là autant d’espaces propices qui nous permettent de nous refaire intérieurement, de communier véritablement à la vie de Dieu afin de pouvoir le donner au monde. C’est justement sur ce point relatif à notre mission dans le monde que je voudrais, dans un deuxième temps, attirer notre attention.
Le deuxième point de notre méditation est en effet la spécificité de notre mission de prêtre. C’est une mission qui vise d’abord et avant tout à la libération intégrale de l’homme. Dans sa prédication inaugurale à Nazareth Jésus affirme clairement que l’Esprit de Dieu qui agit en lui est celui qui l’envoie porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la libération, le recouvrement de la vue aux aveugles, la liberté aux opprimés, une année favorable accordée par le Seigneur à tous les hommes. En d’autres termes, il s’agit de permettre à l’homme frappé par toutes sortes de détresses d’être libéré physiquement et spirituellement par l’annonce de la Parole de Dieu accueillie comme Bonne Nouvelle.
C’est dire que l’Évangile dont nous sommes porteurs ne s’intéresse pas seulement à la vie spirituelle des destinataires mais aussi à leur vie matérielle, dans les contextes socio-politique et économique où ils sont insérés. C’est tout cet environnement social en souffrance que la Parole de Dieu doit pouvoir polariser, de façon à le transformer de l’intérieur et permettre ainsi à l’homme d’être libérer de lui-même et de toutes les pesanteurs qui l’empêchent de participer hardiment au développement intégral de l’homme. C’est pourquoi ceux qui pensent que la religion doit être reléguée à une sphère purement privée se trouvent dans une erreur monumentale ! La Bonne Nouvelle que nous proclamons veut d’abord et avant tout remettre l’homme et tout l’homme debout, de sorte qu’il puisse participer aussi au relèvement des autres humains.
Chers confrères dans le sacerdoce, le Plan Stratégique d’Action Pastorale que nous avons choisi de réaliser pour notre archidiocèse s’inscrit parfaitement dans cette perspective. Notre objectif en adoptant ce plan est de vivre une foi authentique, de façon à pouvoir communier véritablement avec Dieu, nous accueillir mutuellement comme des membres d’une même Église-famille de Dieu et nous engager comme des intendants fidèles et avisés qui doivent rendre compte de la gestion des biens qui leur sont confiés.
Qu’avons-nous fait jusqu’à présent de la mise à exécution effective de ce plan ? Sommes-nous toujours déterminés à poursuivre notre marche de façon à redonner à notre Église diocésaine le rayonnement escompté ? Ne cédons pas au démon de midi par des paroles qui blessent la charité fraternelle et qui plombent la bonne marche de ce diocèse. Mettons plutôt tout en jeu pour que les paroles qui sortent de nos lèvres soient toujours une Bonne Nouvelle qui aide à construire l’homme et notre vivre-ensemble dans ce diocèse. Ce sont là les biens essentiels que le Seigneur nous a faits et dont il nous demandera des comptes.
Le dernier point que je voudrais relever pour notre méditation est la dimension prophétique de notre mission, une condition pour rendre crédible notre présence et notre action dans le monde. Dans la page d’évangile que nous venons d’entendre, Jésus affirme sans ambages devant ses auditeurs : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre ». Par cette déclaration, Jésus montre en quoi consiste en réalité l’accomplissement des Saintes Écritures. Il réside dans le fait de réaliser pour aujourd’hui ce que dit la Parole de Dieu dans sa radicalité et sa vérité. C’est dans la mesure où notre vie tend à être conforme à cette vérité de l’Évangile que nous pouvons nous rendre crédibles devant les hommes.
Jésus lui-même nous en donne un bel exemple lorsqu’il accepte d’accomplir la prophétie d’Isaïe jusqu’au sacrifice de sa propre vie. De fait, le soulèvement de la foule contre lui, dans la suite du texte (Lc 4, 28-29), montre bien qu’il est venu accomplir pour aujourd’hui la Parole de Dieu dans sa vérité. C’est à travers cet accomplissement qu’en tant qu’envoyé de Dieu il se rend crédible devant les hommes et que sa mission de salut conserve toute sa pertinence.
Chers confrères dans le sacerdoce, vous mesurez combien pour rendre crédible notre mission dans le monde aujourd’hui, nous avons besoin d’être de vrais prophètes pour notre temps. Le peuple de Dieu attend de nous des gestes et des paroles susceptibles de nous rendre conformes aux exigences de l’Évangile. C’est alors que nous pourrions véritablement rencontrer le Christ et rendre crédible notre mission dans le monde aujourd’hui.
De ce point de vue, nous devons à tout moment nous engager à vivre fidèlement notre identité sacerdotale de façon à éviter les scandales. Les abus sexuels et toutes les autres formes de contre-témoignage qui ont cours aujourd’hui dans l’Église ne manquent pas de nous interpeler : non seulement ils ternissent l’image de notre Église mais aussi ils portent gravement atteinte à la crédibilité de notre mission. Le communiqué final de la dernière session plénière de la CEB attire l’attention sur les dispositions pratiques à prendre face à ces scandales. Nous sommes invités à nous y référer en implorant pour nous-mêmes la grâce de Dieu et en portant instamment dans la prière les confrères en difficulté. C’est là pour nous un devoir fraternel !
Et vous tous, fils et filles bien-aimés, venus prendre part à cette célébration aux côtés de vos prêtres, je vous demande de bien vouloir continuer de les porter dans vos prières. Priez également pour moi afin que nous soyons fidèles à notre vocation et notre mission auprès de vous.
Par l’intercession de la Vierge Marie, Mère au Cœur immaculé, dont nous faisons aujourd’hui mémoire, implorons la grâce de la docilité et de la disponibilité à l’Esprit, afin que comme Marie et sous sa protection, nous soyons à même de poursuivre la mission rédemptrice du Christ dans le monde. Que le Seigneur nous en accorde la grâce, Lui qui vit et règne maintenant et pour les siècles des siècles. Amen !
[1] Robert SARAH, « Sur le culte catholique en ces temps d’épreuves », in L’Homme Nouveau, 8 mai 2020.