Dimanche 29 décembre 2019
- FÊTE DE LA SAINTE FAMILLE (Messe à Sainte Famille d’Akogbato)
Chers frères et sœurs dans le Christ,
Nous voici rassemblés en cette église paroissiale sainte Famille d’Akogbato, pour une double fête : d’abord la fête de la Sainte Famille et aussi votre fête patronale. Et j’imagine que ma présence au milieu de vous constitue un troisième motif de joie. Alors, d’entrée de jeu, je vous souhaite triplement : Bonne fête ! Que les grâces de la Sainte Famille rejaillissent sur vous ! Et que votre paroisse devienne une véritable vitrine de la Sainte Famille !
Je salue chaleureusement votre curé et son vicaire. Merci, mes pères, de témoigner que l’Église est famille et que tous, nous sommes appelés à imiter la Sainte Famille que nous célébrons aujourd’hui.
Chers frères et sœurs, en cette fête, la page d’évangile nous montre deux épisodes de la vie de la Sainte Famille : la fuite en Égypte et le retour en Israël. Au-delà des faits rapportés, l’évangéliste Mathieu montre l’unité, la cohésion de la sainte Famille, et surtout la centralité de Dieu dans sa vie. La double intervention de l’ange et la docilité de Joseph manifestent que toute la vie de cette famille a pour centre de gravité l’attachement à Dieu, la fidélité indéfectible à la Parole de Dieu.
La Sainte Famille nous apparaît ici comme le lieu voulu par Dieu pour accueillir son Fils venu dans le monde. Dieu dans sa toute-puissance, n’avait-il pas la possibilité de nous envoyer son Fils déjà grand, comme un messie puissant et triomphateur ? Pourtant c’est la Sainte Famille que Dieu donne à son Fils comme lieu de son Incarnation dans l’histoire humaine. Si Dieu s’est ainsi établi dans une famille, c’est pour que toute famille humaine s’établisse en Dieu. C’est là l’enseignement majeur qui émerge du mystère que nous célébrons aujourd’hui. Et à partir des textes proposés, nous pouvons retenir trois points clés pour notre méditation.
* Le premier point majeur, c’est que la Sainte Famille de Nazareth exprime la réalité du mystère de l’Incarnation. Dans la page d’évangile, elle nous apparaît comme une famille ordinaire, une famille comme toute autre, où le père prend ses responsabilités de gardien et de protecteur, en mettant son épouse et l’enfant divin à l’abri du danger. Dans les scènes de la présentation ou du recouvrement de l’enfant Jésus au temple, la Sainte Famille nous apparaît dans cette même unité comme une famille humaine ordinaire.
Cela exprime que le Fils de Dieu n’a pas fait semblant d’être homme. Il s’est vraiment fait homme. Il a réellement pris notre condition humaine en toute chose excepté le péché. En s’incarnant dans une famille, il se fait membre de la famille humaine. C’est dire que le Fils de Dieu n’est pas venu à nous comme un touriste, ni comme un inspecteur. En se faisant chair, il épouse véritablement la condition humaine, au point de devenir membre d’une famille comme tout enfant qui naît.
Cela rappelle aussi que le lieu normal d’accueil et de croissance de tout enfant, c’est la famille. Et la famille ici est composée de père, de mère et de l’enfant. L’Église ne juge ni ne condamne personne. Cependant, elle ressent douloureusement la situation de ces enfants qui naissent hors d’une famille constituée, et qui sont ainsi arbitrairement privés de la joie de vivre et de grandir dans une famille. L’enfant n’est-il pas un être humain distinct des géniteurs et doté de sa propre dignité ? Pour son épanouissement, il a besoin d’une famille véritablement constituée. Avons-nous le droit de subordonner la vie et la dignité de l’enfant à des désirs purement égoïstes ? L’Église doit exercer son rôle prophétique en tirant la sonnette d’alarme, afin que la sacralité de l’enfant et de la famille ne soit jamais bafouée. Car la famille est et doit demeurer le lieu de formation intégrale de l’homme. C’est là le deuxième point majeur :
* la famille, lieu d’éveil à la foi et d’éducation à la communion fraternelle. Les exhortations de Saint Paul dans la deuxième lecture tournent autour de ces deux points fondamentaux : la vie de foi et la communion fraternelle. Ce sont deux piliers incontournables de la vie chrétienne. Mieux, saint Paul présente la foi et la charité fraternelle comme la substance même de la vie du croyant quand il écrit : « puisque vous êtes aimés, sanctifiés par Dieu, revêtez-vous de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience… » C’est dire que la vie chrétienne idéale consiste en cette heureuse articulation de la foi et de la charité fraternelle.
En ce sens, la famille chrétienne est l’école par excellence où on apprend à articuler amour de Dieu et amour fraternel. Car l’amour de Dieu n’existe pas sans l’amour fraternel, et l’amour fraternel est impossible sans la prière régulière. Or, mes chers frères et sœurs, j’apprends avec douleur que plusieurs familles chrétiennes ont totalement perdu l’habitude de la prière en famille. Les « telenovelas » ou les matchs de football ont totalement remplacé la prière du soir dans plusieurs familles chrétiennes. La communication en famille est délaissée au profit de l’esclavage du téléphone portable : au lieu de se parler en famille, chacun a les yeux et le cœur plongés dans son téléphone portable. L’usage immodéré des réseaux sociaux empêchent les membres d’une famille de se retrouver pour échanger et prier ensemble. J’espère qu’il n’en est pas ainsi ici à Akogbato !
Oui mes chers fils et filles d’Akogbato, vous qui êtes sous le patronage de la Sainte Famille, est-ce que vous prenez le temps de prier en famille, de méditer la Parole de Dieu, d’aller en pèlerinage en famille, d’organiser des activités spirituelles en famille, de participer en tant que famille aux activités organisées par la paroisse et par le diocèse ?
Je vous l’avoue : si j’en avais la possibilité, je n’hésiterais pas un seul instant à faire moi-même des visites inopinées dans vos familles, non pas pour contrôler, mais pour stimuler et encourager la vie de famille telle que la veut l’Église. Vos prêtres essaient déjà de le faire autant qu’ils le peuvent. Mais aujourd’hui, je confie cette tâche à vous les pères et mères de famille : animez la vie spirituelle de vos familles ! C’est une mission que l’Église vous confie de par votre mariage. Vous avez accepté la responsabilité d’époux et de parents : exercez-la en étant les animateurs de la vie spirituelle et fraternelle de vos foyers. Mais attention ! Ne soyez pas animateurs de loin, par personne interposée, sans être vous-mêmes acteurs, comme des inspecteurs des travaux finis !
L’occasion me semble excellente pour interpeller vivement ces pères de famille qui, en plus de délaisser leur devoir d’organiser la prière, se fâchent quand ils sont rappelés à l’ordre par leur épouse ou leurs enfants. Ces chrétiens pères de famille qui ont la gentillesse de déposer chaque dimanche leur femme et leurs enfants devant l’église, et qui reviennent les chercher après la messe. Non, ce n’est pas cela que le Seigneur vous demande : comme Joseph, impliquez-vous personnellement dans la vie spirituelle de votre famille. En communion avec vos prêtres, je vous confie cette tâche et je sais pouvoir compter sur vous pour que mon message parvienne à ceux qui ne sont pas venus aujourd’hui, afin que la mission soit accomplie par tous. Que Dieu vous en accorde la grâce !
* Enfin, le troisième point majeur, c’est la famille comme école de bonne gouvernance des biens humains. Oui chers frères et sœurs, j’ai dit plus haut que l’enfant est un don. Mais c’est tout membre de la famille qui est un don : le mari est un don, la femme est un don, les parents, les grands-parents sont un don. Nous devons accueillir l’autre comme un don.
En ce sens, la première lecture nous donne une belle leçon de sagesse : « celui qui honore son père obtient le pardon de ses péchés, celui qui glorifie sa mère est comme celui qui amasse un trésor ». Et saint Paul approfondit cet enseignement dans la deuxième lecture en insistant sur les relations entre les membres d’une famille. Les femmes doivent être soumises à leur mari tout comme les hommes doivent aimer leur femme. Les enfants doivent obéir à leurs parents tout comme ceux-ci doivent éviter d’exaspérer leurs enfants.
Si chaque membre de la famille est un don, savoir prendre soin de l’autre, c’est être un bon intendant. Mieux, c’est démontrer amour et respect envers Dieu, Auteur du don. Or, plusieurs négligent et abandonnent leurs parents âgés. Certains attendent les fêtes de fin d’année pour leur donner quelques vivres qu’ils devront gérer parcimonieusement jusqu’aux prochaines fêtes. D’autres se contentent de leur envoyer de l’argent quand ils le peuvent, mais les privent de cette chaleur et cette affection filiales qui peuvent redonner joie et vigueur aux parents âgés. Mais ce qui est scandaleux, c’est qu’à leur mort, des bâches gigantesques sont dressées, et l’on fait manger aux invités beaucoup plus que ce qu’on aurait dû offrir aux parents pendant qu’ils étaient encore en vie.
Pour vous qui avez la chance d’avoir encore vos parents en vie, pensez qu’un jour ils vous seront enlevés et prenez soin d’eux pendant qu’il en est encore temps. Ben Sirac nous dit : « mon fils, soutiens ton père dans sa vieillesse… même si son esprit l’abandonne, sois indulgent, ne le méprise pas, toi qui es en pleine force. Car la miséricorde envers ton père ne sera pas oubliée… »
Saint Paul pour sa part, exhorte les époux à entretenir des relations harmonieuses et respectueuses. Certainement, plusieurs hommes ont hoché la tête en signe d’approbation en entendant ces paroles : « vous les femmes, soyez soumises à votre mari ! » Mais laissez-moi vous dire que ce que Saint Paul demande aux hommes est encore plus exigeant : « vous les hommes, aimez votre femme, ne soyez pas désagréables avec elle ». Vous convenez avec moi qu’aimer, c’est la plus grande forme de soumission : c’est savoir se mettre à genoux pour servir, pour veiller sur, pour protéger et garder, comme Saint Joseph dans l’évangile. Alors vous les hommes, aimez vos femmes de cet amour-là !
Ma prière pour vous tous ce matin, c’est que le Seigneur accorde à chacun assez de foi et de charité pour prendre soin de chaque membre de sa famille comme un don. L’Église se portera mieux si nous avons des familles qui prient et qui s’aiment.
Que Marie, Reine des familles intercède pour vous. Qu’elle réconcilie les couples séparés, qu’elle apaise les familles où règne la violence, qu’elle attendrisse le cœur des enfants qui ont oublié leurs parents. Afin que chaque famille chrétienne devienne véritablement une vitrine où la Sainte Famille puisse être contemplée. Que le Seigneur nous en accorde la grâce, lui qui vit et règne maintenant et pour les siècles des siècles. Amen.