Consécration de la Sœur Esméralda DJOSSOU
Samedi 7 novembre 2020.
Consécration de la Sœur Esméralda DJOSSOU, Ocv.
Frères et sœurs bien aimés,
Grâce et paix à vous de la part de Jésus Christ notre Seigneur ! Nous sommes réunis en cette Église paroissiale Sainte Cécile de Cotonou pour célébrer les merveilles du Seigneur et accompagner notre Sœur Esmeralda DJOSSOU qui fait aujourd’hui son engagement définitif dans l’Ordre des Vierges Consacrées. Avec elle, nous bénissons le Seigneur et nous lui rendons grâce pour la démarche de foi qu’elle effectue dans l’Église. Puisse le Seigneur la fortifier et rendre toujours féconde sa vie de consécration !
La forme de vie qu’elle embrasse de façon définitive aujourd’hui – la consécration in saeculo (dans le monde) – reprend une tradition ecclésiale antique. En effet, la consécration des Vierges existait depuis les premiers siècles de l’Église. Elles vivaient les conseils évangéliques et le don total de soi qu’exige la consécration virginale au cœur du monde, en résidant généralement dans leur famille.
Les Pères de l’Église voyaient précisément, en ces femmes, le reflet de l’image de l’Église, Épouse totalement dévouée à son Époux (le Christ). Le développement progressif de la vie cénobitique (la vie des moines résidant en communauté) et des ordres religieux a progressivement mis en veilleuse l’Ordre des Vierges Consacrées. Il n’est réapparu qu’avec le Concile Vatican II où les pères conciliaires l’ont encouragé.
Le saint pape Jean Paul II présente une belle synthèse sur cette forme de consécration quand il écrit : « C’est un motif de joie et d’espérance que de voir à notre époque le retour de l’antique ordre des vierges, dont nous avons trace dans les communautés chrétiennes depuis les temps apostoliques. Les vierges consacrées par l’Évêque diocésain entrent dans une relation étroite avec l’Église et elles se mettent à son service, tout en restant dans le monde. Seules ou associées, elles constituent une image eschatologique de l’Épouse céleste et de la vie future, dans laquelle l’Église vivra finalement en plénitude l’amour pour le Christ, son Époux » (Vita consacrata, 7).
Nous bénissons le Seigneur pour ce renouvellement du souffle de l’Esprit Saint qu’Il accorde à l’Église universelle à travers la vie offerte des Vierges consacrées. Dans le même temps, nous Lui rendons grâce pour l’existence de cette forme de consécration dans le diocèse de Cotonou. A la lumière des textes liturgiques proposés à notre méditation, quel message pouvons-nous en tirer pour nous-mêmes et pour notre sœur qui fait sa consécration solennelle devant nous en ce jour ?
Dans la page d’évangile de ce jour, Jésus compare la vie du chrétien à celle d’un domestique qui ne peut avoir deux maîtres. Comme il le dit lui-même : « Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre ». Jésus emploie ici le mot domestique pour manifester à quel point nous appartenons au Seigneur. Nous ne pouvons pas servir le Seigneur à temps partiels. Notre appartenance à Dieu doit être non seulement radicale mais totale, sans demi-mesure.
Lorsqu’un docteur de la Loi demande à Jésus de lui indiquer le grand commandement, Jésus ne répond pas seulement : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu » tout court. Il lui dit plutôt « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit » (Mt 22, 37). Nous l’avons compris : l’appartenance à Dieu n’existe vraiment que si elle est totale et complète. L’appartenance au Seigneur est comparable au rapport d’appartenance devant exister entre une épouse et son époux.
C’est dire que dans chacune de nos vies, Dieu devra non seulement être le premier servi, mais il devra surtout être le Seul servi. Il nous faut prendre conscience du danger que représente tout syncrétisme. L’idolâtrie, la recherche effrénée des biens matériels et éphémères, le culte de la personnalité, tout cela représente autant de formes de servitudes qui nous détournent de Dieu aujourd’hui. Veillons-y ! Nous ne pouvons vraiment pas servir deux maîtres. Servir Dieu et Dieu seul rend véritablement l’homme libre comme Lui[1].
Ainsi, le message central qui semble s’adresser à nous à travers cette page d’évangile est un avertissement : l’amour de l’argent nous détourne radicalement du service de Dieu. C’est dans ce sens que saint Paul dira sans ambages : « La racine de tous les maux, c’est l’amour de l’argent » (cf. 1 Tm 6, 10). Ce message constitue pour nos sociétés de consommation et fortement marquées par le consumérisme une vive interpellation. N’ont-elles pas besoin de convertir l’amour de l’argent en l’amour du travail bien fait ? N’ont-elles pas besoin de convertir l’amour de l’argent en l’amour du service rendu avec abnégation ? Oui, c’est en cultivant l’amour du travail bien fait que nous nous montrerons dignes de confiance dans les moindres choses. Le Seigneur nous confiera alors les plus grandes. En vérité, le Seigneur ne nous demande pas de fuir les biens matériels. Il nous demande le détachement du cœur et le bon usage que nous pouvons en faire, car Il ne veut nullement nous voir asservis à ces biens au risque de les idolâtrer.
La deuxième lecture nous révèle à travers le beau témoignage de saint Paul que sa vie d’apôtre est le lieu d’un véritable détachement. Cela que le détachement évangélique est aussi à notre portée. Dans son adresse aux Philippiens, l’apôtre dit en effet : « Je sais vivre de peu, je sais aussi être dans l’abondance. J’ai été formé à tout et pour tout : à être rassasié et à souffrir la faim, à être dans l’abondance et dans les privations. Je peux tout en celui qui me donne la force ».
C’est dire qu’il est possible d’user des biens de ce monde sans y enraciner notre cœur au point de les idolâtrer. Nous sommes des intendants de la grâce divine que nous devons accueillir en toute humilité. Pour ce faire, il nous faut choisir radicalement le Seigneur. C’est ce choix radical qui nous donne l’élan de nous mettre totalement au service de Dieu et celui de nos frères. Et comme vous le savez, chers frères et sœurs, c’est de ce service que nous devons rendre compte au Seigneur au soir de notre vie. Puissions-nous être comptés parmi les intendants fidèles et avisés !
Chères Sœurs de l’Ordre des Vierges Consacrées, chère Sœur Esmeralda, les textes que nous venons de commenter brièvement plantent le décor et nous donnent des repères majeurs pour la célébration qui nous rassemble ce jour autour de vous. Je voudrais pour ma part en présenter deux : le choix exclusif du Seigneur et l’humilité dans le service.
L’évangile que nous avons écouté en ce jour, nous a révélé comment il est impossible de servir deux maîtres. Le seul, qui vous a appelée par votre nom, le seul dont vous avez entendu la voix c’est le Christ. Et si pour tous, Il est l’Unique Maître à écouter et à suivre, pour vous, Il est le Bien-aimé, Celui que votre cœur désire. Pour votre part, le choix radical du Christ doit pouvoir se parfaire de jour en jour dans un amour grandissant. La bien-aimée du livre des Cantiques des Cantiques disait en effet : « j’ai trouvé celui que mon âme désire : je l’ai saisi et ne le lâcherai pas » (Ct 3, 4). Toute la communauté ici réunie autour de vous prie pour que, ayant saisi le Seigneur, vous cheminiez pour toujours avec Lui malgré les aléas et les soubresauts de la vie.
Saint Charles Borromée nous enseigne que « C’est en se consumant que la cire donne la lumière ». Vous serez une lumière pour le monde, si votre cœur brûle d’amour pour le Christ. Avant vous, plusieurs femmes, comme Marthe et Marie, Marie Madeleine et bien d’autres ont aimé le Seigneur d’un amour profond. Elles devraient constituer pour vous des exemples à méditer jour après jour pour consolider et enraciner vos noces avec le Christ. Et vous savez que la Vierge Marie constitue le modèle d’amour le plus parfait. Que son intercession vous aide à parfaire l’amour que vous avez pour le Christ.
Je voudrais finir en vous invitant toutes à l’humilité dans le service. La consécration n’est pas une distinction valorisante ou un signe honorifique. Elle nous invite au service de tous et à l’humilité. Elle nous appelle au don de soi et à la charité. Humainement, nous pourrions être tentés de succomber à la recherche d’une reconnaissance personnelle mais tout ce que nous avons et tout ce que nous sommes est un don de Dieu, une grâce que nous sommes appelés à toujours accueillir en toute humilité.
Les interpellations lancées par saint Paul aux chrétiens de Corinthe sont, de ce point de vue, très éclairantes : « Qui donc t’a mis à part ? As-tu quelque chose sans l’avoir reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi te vanter comme si tu ne l’avais pas reçu ? » (1 Co 4, 7). De fait, tant que nous n’aurons pas compris que « nous sommes des serviteurs inutiles » et que « nous avons fait ce que nous devions faire » (Lc 17, 10), quand bien même nous aurions exécuté tout ce qui nous a été ordonné, nous serons complètement en déphasage par rapport aux exigences de l’Évangile, et nous aurons entièrement perdu les vrais repères.
Bien chère Sœur Esméralda, n’oubliez donc pas que les Vierges consacrées qui vous ont précédée ont offert à l’Église un beau témoignage d’amour humble et caché. Vous êtes appelée à être sainte Agathe, sainte Lucie, sainte Agnès et sainte Cécile pour notre monde d’aujourd’hui. Puisse le Seigneur vous accorder sa grâce d’être véritablement, jusqu’à la fin de votre vie, signe de sa Présence dans le monde et dans l’Église, Lui qui vit et règne maintenant et pour les siècles des siècles. Amen !
[1] Cf. l’hymne Pour que l’homme soit un fils à son Image, du père Didier RIMAUD.