7ème DIMANCHE DE PÂQUES 2020

24 mai 2020.

 7 ème DIMANCHE DE PÂQUES.

Chers frères et sœurs,

Après l’Ascension célébrée jeudi dernier, la liturgie de la Parole de ce septième dimanche de Pâques nous invite à aller plus en profondeur dans la communion avec le Seigneur, à travers une relation d’intimité avec Lui. Cette idée est déjà fortement présente dans la première lecture qui montre la première communauté chrétienne unie dans la prière assidue. Dans la même ligne, saint Pierre, dans la deuxième lecture, nous invite à communier aux souffrances du Christ : le but n’est pas la souffrance comme telle, mais la communion avec le Christ. Quant à l’évangile, il présente Jésus comme le canal par lequel les disciples pourront entrer véritablement dans l’intimité du Père. Arrêtons-nous un instant sur ce texte qui est d’une densité spirituelle impressionnante.

Nous sommes dans la première partie de la prière sacerdotale de Jésus. Le moment de cette prière est grave et solennel : Jésus est au bout de sa mission terrestre et il le sait : Père, l’heure est venue ! Tout son ministère terrestre aura été une constante tension, une montée vers cette « heure » grave, une « heure décisive, (…) que toute la création attend comme celle d’une naissance : parce qu’elle est l’heure de l’accomplissement du dessein de Dieu »[1]. La prière de Jésus apparaît comme un véritable bilan de fin de mission adressé au Père et assorti de demandes particulières : pour lui-même, pour ses disciples et plus loin pour ceux qui croiront en Lui grâce à la prédication des disciples. De ce beau et riche texte, nous pouvons tirer trois enseignements majeurs pour notre méditation.

* Le premier, c’est la glorification du Christ, comme œuvre mystérieuse du Père. De façon assez surprenante, Jésus demande explicitement à être glorifié : « Glorifie-moi auprès de toi, Père, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe »[2]. Faut-il comprendre que Jésus demande à ce que sa « gloire » lui soit restituée ? En réalité, ce n’est pas le cas.

La gloire dont il s’agit ici n’a rien à voir avec la gloire mondaine : les honneurs, les prestiges, encore moins le triomphalisme devant ses adversaires qui allaient le tourner en dérision et le maltraiter. Accomplir fidèlement l’œuvre du Père dans une entière obéissance allant jusqu’au don de lui-même sur la croix : voilà la gloire que Jésus demande au Père, gloire étonnamment liée au scandale de la croix.

C’est dire que la glorification du Christ est une œuvre mystérieuse du Père, œuvre pleinement révélée quand, élevé sur la Croix, Jésus attire à Lui tous les hommes[3]. La Croix et la Gloire sont donc indissociables et constituent un même mystère, si bien que sur la croix, Jésus est déjà mystérieusement glorifié par le Père. Il peut donner aux hommes la vie éternelle qui prend ici une définition nouvelle. C’est d’ailleurs le deuxième point.

* La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ. D’après cette parole de Jésus, la vie éternelle consiste en la connaissance du Dieu unique et vrai (Os4, 6 Is11, 9)[4]. Ce n’est évidemment pas une connaissance mentale et intellectuelle. Il s’agit plutôt d’être véritablement introduit dans l’intimité même de Dieu par Jésus. Dès lors, c’est seulement en étant en union avec Jésus que nous avons l’assurance d’être en communion avec le Père, de le connaître comme Jésus le connaît, et d’avoir ainsi la vie éternelle. Mais alors comment demeurer dans une telle communion ?

C’est dans la prière assidue, à l’exemple des apôtres, ainsi que quelques femmes et la mère de Jésus, unis dans la prière (1ère lecture), que nous pouvons asseoir la communion avec Dieu. Si nous voulons comparer cette communion à une plante, la prière est l’eau sans laquelle cette plante ne peut vivre ni s’épanouir.

Alors chers frères et sœurs, l’occasion me paraît très bonne pour nous exhorter à cultiver la vraie prière de communion avec Dieu. Nous manifestons souvent un engouement exagéré pour les prières de délivrance, de combat, les prières de demande à grand renfort de bruit et de louanges tapageuses. Cela ne suffit pas pour asseoir notre communion avec Dieu. Je nous encourage à approfondir et à pratiquer souvent la dévotion à l’Eucharistie, la méditation de la Parole, la lectio divina, l’oraison, la prière du chapelet ou du rosaire : ce sont autant de lieux d’approfondissement de notre communion avec Dieu en Jésus-Christ. Ce sera aussi le lieu d’approfondir notre identité chrétienne comme appartenance au Christ. C’est le troisième point de notre méditation.

* Le troisième enseignement donc, c’est que  notre véritable identité chrétienne réside dans l’appartenance au Christ. Dans l’évangile, Jésus se réfère toujours à ses disciples comme ceux qui appartiennent au Père, et que le Père lui a donnés. Toute l’identité chrétienne se trouve là : dans l’appartenance à Dieu en Jésus-Christ.

Oui chers frères et sœurs, ce qui détermine notre identité de chrétiens, ce n’est pas d’abord la croix que nous portons, ni le chapelet que nous gardons, ni même les dévotions que nous pratiquons. Tout cela est important, mais ne définit pas notre véritable identité. Le vrai chrétien est celui qui est choisi par Dieu dans le monde, et donné, voire consacré au Christ en gardant sa parole. C’est dans ce sens que Mgr De Souza définissait le chrétien comme un Kristusi, c’est-à-dire quelqu’un qui appartient totalement au Christ par une consécration.

Une fois encore, l’occasion me paraît excellente pour nous interroger et nous interpeller : avons-nous vraiment conscience d’être entièrement consacrés au Christ ? Vivons-nous vraiment comme des gens totalement consacrés au Christ ? Si c’est le cas, pourquoi avons-nous si peur devant les forces des ténèbres, devant les menaces réelles ou supposées des sorciers et des forces occultes, au point de chercher parfois à prendre les armes des ténèbres pour nous défendre ?

Il est triste, voire écœurant d’apprendre que certains chrétiens entretiennent des familiarités douteuses avec des pratiques entièrement opposées à leur foi. Alors que saint Pierre nous invite à communier aux souffrances du Christ, plusieurs chrétiens cèdent par peur, à la pression de la grande famille qui cherche à les contraindre à des cérémonies contraires à notre foi. Et pourtant, nous venons de chanter dans le psaume responsorial : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je crainte ? Le Seigneur est le rempart de ma vie, devant qui tremblerais-je ? » Pourquoi alors trembler devant les forces du mal si nous appartenons au Christ ?

Que le mystère pascal nous fortifie davantage et nous renouvelle de l’intérieur, afin que communiant ici-bas aux souffrances du Christ, nous puissions partager sa gloire dans les cieux, Lui qui vit et règne, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen.

[1] Commentaire de Marie Noëlle Thabut

[2] On voit ici une allusion au prologue, notamment Jn 1, 14

[3] Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous comprendrez que moi, JE SUIS (Jn 8, 28). Cf. aussi Jn 12, 32

[4] On se rappelle bien cette prophétie d’Isaïe : Il ne se fera plus rien de mauvais ni de corrompu sur ma montagne sainte ; car la connaissance du Seigneur remplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer. Is11, 9

Mon peuple périt faute de connaissance. Osée 4, 9